Citations - Paul Valéry
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Paul Valéry (1871 - 1945), écrivain français.
Sommaire |
Œuvres
Cahier
- À chaque point de l'univers correspond un univers différent.
- En vérité, je n'aime en fait de livres que ceux qui m'apprennent quelque chose soit par ce qu'ils disent, soit par ce qu'ils sont.
- Il est difficile et il est dur d'être ce que l'on est, - de n'être pas ce qu'on voudrait être.
- Jamais je n'ai pu croire - ou plutôt, attacher la moindre valeur à ce que me disaient et enseignaient des gens faits comme moi et qui n'en savaient pas plus que moi sur les choses qu'ils contaient.
- Je deviens terriblement moi-même. Peut-être par réaction contre tout ce qui me contraint de plus en plus à être l'autre ou à faire l'autre.
- Je n'ai goût à écrire que ce qui m'apprend quelque chose à moi-même.
- Je répugne à tout ce qui veut me convaincre. Un parti, une religion qui cherche des adeptes, qui veut le nombre et la propagation, sont frappés (pour moi) d'ignominie. Une doctrine doit, pour être noble, ne rien céder au désir d'être partagée.
- Je suis plus conscient qu'intelligent.
- Les autres font des livres. Moi, je fais mon esprit.
- On se fait rarement rire seul parce qu'on se surprend difficilement soi-même.
- Qu'il est difficile de penser sans soupirer.
- Que ne puis-je seulement connaître le mécanisme d'un sot ?
- Rien ne me touche plus que d'être compris. Je l'aime infiniment mieux que d'être imaginé - même sous la forme la plus séduisante.
- Si la « liberté » existe, elle est certainement si restreinte, ses occasions et ses interventions si rares, le temps qu'elle occupe si bref - qu'elle vaut à peine qu'on en parle.
La crise de l'esprit
- L'Europe deviendra-t-elle ce qu'elle est en réalité, c'est-à-dire: un petit cap du continent asiatique ? ou bien l'Europe restera-t-elle ce qu'elle paraît c'est-à-dire : la partie précieuse de l'univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d'un vaste corps ?
Mauvaises pensées & autres
- Le besoin de nouveau est signe de fatigue ou de faiblesse de l'esprit, qui demande ce qui lui manque.
Car il n'est rien qui ne soit nouveau.
- Le grand triomphe de l'adversaire est de vous faire croire ce qu'il dit de vous.
Mélange
- Amour - aaaaaaaaaa - c'est imiter. On l'apprend. Les mots, les actes, les « sentiments » mêmes sont appris.
Rôle des livres et des poèmes. L'amour original doit être rarissime.
- Ce ne sont pas du tout les « méchants » qui font le plus de mal en ce monde.
Ce sont les maladroits, les négligents et les crédules.
Les « méchants » seraient impuissants sans une quantité de « bons ».
- Ce qui apparaît le plus nettement dans une œuvre de maître, c'est la « volonté », le parti pris. Pas de flottement entre les modes d'exécution. Pas d'incertitude sur le but.
- Celui qui n'a pas nos répugnances nous répugne.
- Certaines de nos craintes ne sont que l'envers (que l'imagination des effets) des sévices et mauvais traitements que nous ferions subir à quelqu'un si nous étions un autre et s'il fût nous. Nous imaginons en creux ce que nous ferions dans le relief.
- Ceux qui ne savent pas dire ou répugnent à dire des choses vagues sont souvent muets et toujours malheureux.
- Comme il y a des « hommes du monde » - il y a aussi des « hommes d'univers ».
- Craignez celui qui veut avoir raison. Il imagine entre le vrai et sa personne une relation spécialement étroite et il prend la « raison » pour une épouse dont il est jaloux.
- En cas de mouvement d'humeur, regarder l'heure et la noter. Regarder la petite aiguille des secondes. Cela travaille tout seul contre le mal et le bien.
- En fait d'écrivains, je n'aime que les pur-sang. Cité dans Œuvres (1960)
- Il fallait être Newton pour apercevoir que la lune tombe, quand tout le monde voit bien qu'elle ne tombe pas.
- Il n'est pas mauvais que certains hommes aient la force d'attacher plus de conséquence et de prix à la détermination d'une lointaine décimale ou de la position d'une virgule, qu'à la nouvelle la plus retentissante, à la catastrophe la plus considérable, ou à leur vie même.
- « L'Avenir » est la parcelle plus sensible de l'instant.
- L'esprit condamne tout ce qu'il n'envie pas.
- « L'esprit » est peut-être un des moyens que l'Univers s'est trouvé pour en finir au plus vite.
- L'esprit est une puissance de prêter à une circonstance actuelle les ressources du passé et les énergies du devenir.
- L'homme heureux est celui qui se retrouve avec plaisir au réveil, se reconnaît celui qu'il aime d'être.
- L'homme vaut-il la peine de déranger un Dieu pour le « créer » ?
- L'orgueil est le sentiment d'être nés pour quelque chose que seuls nous pouvons concevoir, et cette chose plus grande et plus importante que toute autre. Rien ne doit d'être plus grand que cette chose que je voulais faire... (et ne puis).
- La bonne peinture est une musique, une mélodie, et il n'y a qu'une intelligence trés vive qui puisse en sentir la grande difficulté. Cité dans Œuvres (1960)
- La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a...
- Mieux vaut souvent qu'elle le garde !
- La première chose à faire si l'on veut détruire quelque opinion, elle est de s'en faire maître un peu plus que ceux mêmes qui la soutiennent le mieux.
La qualité du menteur, la mémoire...
La mauvaise mémoire fait des menteurs.
La bonne les aide.
* La vie... cet aperçu.
- La vie est la conservation du possible.
- [Le diable] ne demande jamais rien d'impossible.
- Le luxe m'est indifférent. Je ne regarde pas les « belles choses ». C'est en faire qui m'intéresse, en imaginer, en réaliser. Une fois faites, ce sont des déchets. Nourrissez-vous de nos déchets. Transformer le désordre en ordre. Mais un fois l'ordre créé, mon rôle est terminé. Vixi. L'œuvre d'art me donne des idées, des enseignements, pas de plaisir. Car mon plaisir est de faire, non de subir. Mais l'ouvrage qui m'impose du plaisir, son bon plaisir, m'inspire vénération, terreur, sentiment d'une force supérieure.
- Le mélange d'Amour avec Esprit est la boisson la plus enivrante.
L'âge y joint ses profondes amertumes, sa noire lucidité - donne valeur infinie à la goutte de l'instant.
- Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion.
- Le moi est haïssable... mais il s'agit de celui des autres.
- Le talent sans génie est peu de chose. Le génie sans talent n'est rien.
- Le vivant imagine la vie éternelle comme la planète imagine la tangente. Chaque instant est composé. Une force l'éloigne du terme, du fini ; une autre l'y attire.
- Le vrai « snob » est celui qui craint d'avouer qu'il s'ennuie et qu'il s'amuse, quand il s'amuse.
- Les hommes se distinguent par ce qu'ils montrent et se ressemblent par ce qu'ils cachent.
- Les idées précises conduisent souvent à ne rien faire.
- Les maîtres sont ceux qui nous montrent ce qui est possible dans l'ordre de l'impossible.
- Les plus « profondes » questions du monde :
- Comment n'as-tu pas pensé à cela ?
- Et toi, comment y as-tu pensé ?
- Les uns sont assez bêtes pour s'aimer ; les autres pour se haïr.
Deux manières de se tromper.
- Les vilaines pensées viennent du cœur.
- Nos contradictions font la substance de notre activité d'esprit.
- Nos contradictions sont les témoignages et les effets de l'activité de notre pensée.
- Pour jugez quelqu'un, jugez (si vous les connaissez ou devinez) les intentions qu'il vous prête.
- Rendre purement possible ce qui existe ; réduire ce qui se voit au purement visible, telle est l'œuvre profonde.
- Rien de plus dangereux que l'homme qui agit bien et pense mal. Le contraire ou le symétrique de l'hypocrite est fort redoutable.
- Tendresse est tendance à se livrer en toute faiblesse à la douceur d'être faible. Mais d'où vient ce « plaisir » ? Cette faiblesse, il est vrai, cet attendrissement - prépare un coup d'extrême force.
- Un homme avait le numéro de loterie 60015. Le 60016 sortit. Cet homme crut avoir été près de gagner.
Tout le monde en toute occasion pense de même. J'ai failli tomber, mourir, faire fortune. L'histoire est pleine de ces raisonnements.
Ces proximités sont imaginaires.
Il n'y a de degrés que dans le SI...
Monsieur Teste
- Ce qui importe véritablement à quelqu'un - j'entends à ce quelqu'un qui est unique et seul par essence - c'est justement ce qui lui fait sentir qu'il est seul.
- [...] Entre les hommes il n'existe que deux relations : la logique ou la guerre. Demandez toujours des preuves, la preuve est la politesse élémentaire qu'on se doit. Si l'on refuse, souvenez-vous que vous êtes attaqué et qu'on va vous faire obéir par tous les moyens.
- [...] Il n'y a que ceux qui ne cherchent rien qui ne rencontrent jamais l'obscurité [...].
- [...] L'amour consiste à pouvoir être bêtes ensemble [...].
- L'expression d'un sentiment est toujours absurde.
- L'incohérence d'un discours dépend de celui qui l'écoute. L'esprit me paraît ainsi fait qu'il ne peut être incohérent pour soi-même.
- L'infini [...] est une affaire d'écriture. L'univers n'existe que sur le papier.
- La jeunesse est un temps pendant lequel les conventions sont, et doivent être, mal comprises : ou aveuglément combattues, ou aveuglément obéies. On ne peut pas concevoir, dans les commencements de la vie réfléchie, que seules les décisions arbitraires permettent à l'homme de fonder quoi que ce soit : langage, sociétés, connaissances, oeuvres de l'art. Préface
- Mon âme a plus de soif d'être étonnée que de toute autre chose. L'attente, le risque, un peu de doute, l'exaltent et la vivifient bien plus que ne le fait la possession du certain.
- Nous vivons bien à l'aise, chacun dans son absurdité, comme poissons dans l'eau, et nous ne percevons jamais que par un accident tout ce que contient de stupidités l'existence d'une personne raisonnable. Nous ne pensons jamais que ce que nous pensons nous cache ce que nous sommes.
- Quelle injure qu'un compliment ! - On ose me louer ! Ne suis-je pas au delà de toute qualification ?
- [...] Souffrir, c'est donner à quelque chose une attention suprême [...].
- Trouver n'est rien. Le difficile est de s'ajouter ce qu'on trouve.
Œuvres
- La plus grosse des hypothèses est de croire que Dieu existe objectivement ... Oui ! il existe et le Diable, mais en nous !
- On ne devient vraiment intimes qu'entre gens du même degré de discrétion. Le reste, caractère, culture et goût importe peu.
- Un chef est un homme qui a besoin des autres.
Regards sur le monde actuel
- L'existence des voisins est la seule défense des nations contre une perpétuelle guerre civile.
- L'Histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout. Elle est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré.
Tel Quel
- [...] Écrire purement en français, c'est un soin et un amusement qui récompense quelque peu l'ennui d'écrire.
- L'amour est une brève épilepsie. Démocrite parlait de courte apoplexie
- La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.
- La syntaxe est une faculté de l'âme.
Toulet ou l'inactuel
- À chaque terrible époque humaine, on a toujours vu un monsieur assis dans un coin, qui soignait son écriture et enfilait des perles.
Attribuées
- Adieu, dit le mourant au miroir qu'on lui tend, nous ne nous verrons plus.
- Apprendre à parler c'est apprendre à dégager les sens des mots, des époques où on les a appris - c'est oublier la plupart des relations d'alors. Sans oubli, on n'est que perroquet.
- Après quelques assauts infructueux, ne renonce pas, n'insiste non plus. Mais garde ce problème dans les caves de ton esprit où il s'améliore. Changez tous les deux.
- Au degré suprême, l'amour est la volonté de créer l'être qu'il a pris pour objet.
- Autorisation de se tuer, seulement au parfaitement heureux.
- Avec les femmes, c’est toujours la même chose; d’abord au bras, puis dans les bras, puis sur les bras. Avec elles, on va à chaque fois des petits mots aux grands mots et enfin, aux gros mots.
- Baisers, baves d'amour, basses béatitudes,
O mouvements marins des amants confondus ...
- Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change!
- Bêtise et poésie. Il y a des relations subtiles entre ces deux ordres. L'ordre de la bêtise et celui de la poésie.
- C'est en copiant qu'on invente.
- Calme, calme, reste calme!
Connais le poids d'une palme
Portant sa profusion!
- Ce qu’on peut reprocher à la philosophie, c’est qu’elle ne sert à rien.
- Ce que l'histoire peut nous apprendre de plus sûr, c'est que nous nous trompions sur un point d'histoire.
- Ce qui a été cru par tous, et toujours, et partout, a toutes les chances d'être faux.
- Ce qui est le meilleur dans le nouveau est ce qui répond à un désir ancien.
- Ce qui est simple est toujours faux. Ce qui ne l'est pas est inutilisable.
- Ce qui étonne dans les excès des novateurs de la veille, c'est toujours la timidité.
- Ce qui me fait si lent à bâtir, si temporisateur est l'étrange manie de vouloir toujours commencer par le commencement.
- Ce qui m'est difficile m'est toujours nouveau.
- Ce qui m'intéresse n'est pas toujours ce qui m'importe.
- Ce qui n'est pas entièrement achevé n'existe pas encore. Ce qui n'est pas achevé est moins avancé que ce qui n'est pas commencé.
- Ce qui n'est pas fixé n'est rien. Ce qui est fixé est mort.
- Ce qui nous force à mentir, est fréquemment le sentiment que nous avons de l'impossibilité chez les autres qu'ils comprennent entièrement notre action. Ils n'arriveront jamais à en concevoir la nécessité (qui à nous-mêmes s'impose sans s'éclaircir).
- Ce qui obscurcit presque tout c'est le langage - parce qu'il oblige à fixer et qu'il généralise sans qu'on le veuille.
- Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ...
- Ceux qui redoutent la blague n'ont pas grande confiance dans leur force. Ce sont des Hercules qui craignent les chatouilles.
- Ceux qui voient les choses trop exactement ne les voient donc pas exactement.
- Chacun dissimule quelque chose à quelqu'un, et chacun, quelque chose à soi-même. il y a donc deux versants de sincérité.
- Chacun est à chaque instant mené par ce qu'il voit le plus nettement, composé avec ce qu'il voit le moins clairement.
- Chaque homme sait une quantité prodigieuse de choses qu’il ignore qu’il sait.
- Clarté est convention. Une idée est claire quand nous faisons convention avec nous-mêmes de ne point l'approfondir.
- Classique est l'écrivain qui porte une critique de soi-même, et qui l'associe intimement à ses travaux.
- Combien de gens meurent dans les accidents pour ne pas lâcher leur parapluie. Cité dans Journal ~ André Gide
- Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Dans une bouche où sa forme se meurt ...
- Comment faire pour ne rien faire ? Je ne sais rien de plus difficile. C’est un travail d’Hercule, un travail de tous les instants.
- Critiques : le plus sale roquet peut faire une blessure mortelle. Il suffit qu'il ait la rage.
- De ce qui occupe le plus, c’est de quoi l’on parle le moins. Ce qui est toujours dans l’esprit, n’est presque jamais sur les lèvres.
- Dieu a tout fait de rien, mais le rien perce.
- Dieu créa l'homme et, ne le trouvant pas assez seul, il lui donne une compagne pour mieux lui faire sentir sa solitude.
- Écrire purement en français, c'est un soin et un amusement qui récompense quelque peu l'ennui d'écrire.
- En toute chose inutile, il faut être divin. Ou ne point s'en mêler.
- Enrichissons-nous de nos différences mutuelles.
- Entre deux mots, il faut choisir le moindre.
- Esprit de finesse, « esprit de géométrie », toutes les sottises qu'ont fait dire ces mots. Cela a le vice de toutes les expressions auxquelles il faut commencer par donner un sens avant d'en considérer l'application. Mais alors, il est trop tard...
- Est prose l'écrit qui a un but exprimable par un autre écrit.
- […] Et nous voyons maintenant que l'abîme de l'histoire est assez grand pour tout le monde.
- Et où que j’aille, dans l’univers entier, Je rencontre toujours, Hors de moi comme en moi, L'irremplissable Vide, L'inconquérable Rien.
- Et pour ta punition, tu feras de très belles choses. Voilà ce qu'un Dieu, qui n'est pas du tout Jéhovah, dit véritablement à l'homme, après la faute. Cité dans Œuvres (1960)
- Filles des nombres d'or
Fortes des lois du ciel
Sur nous tombe et s'endort
Un dieu couleur de miel.
- Fontaine, ma fontaine, eau froidement présente,
Douce aux purs animaux, aux humains complaisante ...
- Il en est qui sont véridiques pour n'avoir point de quoi mentir.
- Il est beaucoup plus simple de construire un univers que d’expliquer comment un homme tient sur ses pieds. Demandez à Aristote, à Descartes, à Leibniz et à quelques autres.
- Il faut, un jour d'énergie, prendre le livre que l'on tient pour ennuyeux, lui ordonner d'être, essayer de reconstituer l'intérêt qu'y a pris l'auteur.
- Il faut n'appeler Science que l'ensemble des recettes qui réussissent toujours. Tout le reste est littérature.
- Il faut toujours s'excuser de bien faire, rien ne blesse plus.
- Il n'y a d'universel que ce qui est suffisamment grossier pour l'être.
- Il n'y a pas de détails dans l'exécution.
- Il ne faut pas hésiter à faire ce qui détache de vous la moitié de vos partisans et qui triple l'amour du reste.
- Il y a dans l'homme un traître qui se nomme vanité, qui livre les secrets contre de l'encens.
- Je classe les livres selon le besoin de les relire qu'ils m'ont plus ou moins inspiré.
- Je ne sais pas ce qu'est la conscience d'un sot, mais celle d'un homme d'esprit est pleine de sottises.
- Je n'hésite pas à le déclarer, le diplôme est l'ennemi mortel de la culture.
- Je vois passer l'homme moderne avec une idée de lui-même et du monde qui n'est plus une idée déterminée... Il lui est devenu impossible d'être l'homme d'un seul point de vue et d'appartenir réellement à une seule langue, à une seule conception, à une seule physique.
- L’ambition extérieure a pour condition une sorte de désespoir ou d’abandon de l’ambition intérieure.
- L’histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne absolument rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout. Elle est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré.
- L'action est une brève folie.
- L'avenir n'est plus ce qu'il était.
- L'école n'est pas seule à instruire les jeunes. Le milieu et l'époque ont sur eux autant et plus d'influence que les éducateurs.
- La bonne marche harmonique d'un système d'hommes exige que chacun ne soit ni inférieur ni supérieur à sa tâche.
- La cause de la dépopulation? La présence d'esprit.
- La facilité n'explique pas tout; et le vice a ses sentiers aussi ardus que ceux de la vertu.
- La faiblesse de la force est de ne croire qu'à la force.
- La jeunesse est une manière de se tromper qui se change assez vite en une manière de ne plus même pouvoir se tromper.
- La lecture des histoires et romans sert à tuer le temps de deuxième ou troisième qualité. Le temps de première qualité n'a pas besoin qu'on le tue. C'est lui qui tue tous les livres. Il en engendre quelques-uns.
- La mémoire est l'avenir du passé.
- La nature, c'est très joli, mais ça finit par donner des démangeaisons.
- La pensée est une rature indéfinie.
- La perfection. L'atteindre, c'est enfin connaître l'excellence par l'impuissance.
- La philosophie est chose ni plus ni moins sérieuse qu’une suite en ré mineur.
- La plupart des hommes ont une idée si vague de la poésie que ce vague même de leur idée est pour eux la définition de la poésie.
- La politique consiste dans la volonté de conquête et de conservation du pouvoir ; elle exige, par conséquent, une action de contrainte ou d'illusion sur les esprits, qui sont la matière de tout pouvoir.
- La sagesse n’a rien à faire avec l’âme : l’âme n’a pas d’esprit.
- La vanité, grande ennemie de l'égoïsme, peut engendrer tous les effets de l'amour du prochain.
- La véritable tradition n'est pas de refaire ce que les autres ont fait mais de trouver l'esprit qui a fait ces grandes choses et qui en ferait de toutes autres en d'autres temps.
- La vérité a besoin de mensonge car comment la définir sans contraste ?
- La vie est à peine un peu plus vieille que la mort.
- La vie est trop courte. Proust est trop long.
- Le bonheur a les yeux fermés.
- Le christianisme est une religion exotique au pays du riz et du vin de palme puisque c'est la religion du pain et du vin de vigne.
- Le « déterministe » nous jure que si l'on savait tout, l'on saurait aussi déduire et prédire la conduite de chacun en toute circonstance, ce qui est assez évident. Le malheur veut que « tout savoir » n'ait aucun sens.
- Le « génie » est une habitude que prennent certains.
- Le goût est fait de mille dégoûts.
- Le mensonge sera souvent le péché du questionneur lequel rend la vérité dangereuse.
- Le mépris du dieu pour les esprits humains se marque par les miracles.
- Le monde est irrégulièrement semé de dispositions régulières.
- Le monde ne vaut que par les ultras et ne dure que par les modérés.
- Le monde, qui baptise du nom de progrès sa tendance à une précision fatale, cherche à unir aux bienfaits de la vie les avantages de la mort.
- Le plus farouche orgueil naît surtout à l'occasion d'une impuissance.
- Le poème, cette hésitation prolongée entre le son et le sens.
- Le pouvoir sans abus perd le charme.
- Le secret d'un homme d'esprit est moins secret que le secret d'un sot.
- Le sujet d'un ouvrage est à quoi se réduit un mauvais ouvrage.
- Le temps du monde fini commence.
- Le très grand art est celui dont les imitations sont ligitimes, dignes supportable ; et qui n'est pas détruit ni déprécié par elles. ni elles par lui.
- Les « raisons » qui font que l'on s'abstient des crimes sont plus honteuses, plus secrètes que les crimes.
- Les esprits valent selon ce qu'ils exigent. Je vaux ce que je veux.
- Les grandes flatteries sont muettes.
- Les grands hommes meurent deux fois, une fois comme hommes, et une fois comme grands.
- Les guerres, ce sont des gens qui ne se connaissent pas et qui s'entre-tuent parce que d'autres gens qui se connaissent très bien ne parviennent pas à se mettre d'accord.
- Les livres ont les mêmes ennemis que l'homme: le feu, l'humide, les bêtes, le temps, et leur propre contenu.
- Les objections naissent souvent de cette simple cause que ceux qui les font n'ont pas trouvé eux-mêmes l'idée qu'ils attaquent.
- Les obstacles sont les signes ambigus devant lesquels les uns désespèrent, les autres comprennent qu'il y a quelque chose à comprendre. Mais il en est qui ne les voient même pas..
- Les petits faits inexpliqués contiennent toujours de quoi renverser toutes les explications des grands faits.
- Les seuls traités qui compteraient sont ceux qui se concluraient entre les arrière-pensées.
- L'espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide.
- L'espoir voit un défaut de la cuirasse des choses.
- L'Histoire est la science des choses qui ne se répètent pas.
- L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré.
- L'homme de génie est celui qui m'en donne.
- L'homme est absurde par ce qu'il cherche, grand par ce qu'il trouve.
- L'homme est animal enfermé - à l'extérieur de sa cage. Il s'agite hors de soi.
- L'homme insoucieux, l'imprévoyant, est moins accablé et démonté par l'événement catastrophique que le prévoyant. Pour l'imprévoyant, le minimum d'imprévu. - Quoi d'imprévu pour qui n'a rien prévu ?
- L'homme se pare de ses chances.
- L'homme se sent libre. Mais mon bras, fort souvent, ne se sent aucun poids. Il n'en pèse pas moins.
- L'inspiration est l'hypothèse qui réduit l'auteur au rôle d'un observateur.
- L'intelligence - faculté de reconnaître sa sottise.
- L'objet profond de l'artiste est de donner plus qu'il ne possède.
- L'ordre pèse toujours à l'individu. Le désordre lui fait désirer la police ou la mort.
- L'utopie d'aujourd'hui est la science de demain.
- Ma réputation, n’est-ce pas le triste effort que je suis obligé de faire pour imiter l’image fausse que vous vous faites de moi ?
- Méchanceté de celui qui a raison - L'être qui "a raison", qui "a droit", qui tient ou le "juste" ou le "vrai" - est toujours séduit à tirer avantage de cette possession - et à glisser vers une méchanceté toute naturelle... "dans l'intérêt de la Vérité ou de la Justice".
- Notre esprit est fait d'un désordre, plus un besoin de mettre en ordre.
- Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.
- Nous entrons dans l'avenir à reculons.
- Ô Soleil ...
Feu vers qui se soulève une vierge de sang
Sous les espèces d'or d'un sein reconnaissant!
- Par malheur, il y a dans chaque philosophe un mauvais génie qui répond, et répond à tout.
- Parfois je pense, et parfois je suis.
- Perdu ce vin, invres les ondes ! J'ai vu bondir dans l'air amer les figures les plus profondes.
- Personne n'aime à considérer ses malheurs comme ses enfants légitimes.
- Peu d'esprits s'inquiètent d'examiner la question avant de fournir la réponse.
- Plaire à soi est orgueil ; aux autres, vanité.
- Politique de la vie. Le réel est toujours dans l'opposition.
- Proverbe pour les puissants : si quelqu'un te lèche les bottes, mets-lui le pied dessus avant qu'il ne commence à te mordre.
- Qu'il faut travailler plusieurs choses à la fois. C'est le meilleur rendement, - l'une profite à l'autre, et chacune est plus soi, plus pure ; car des idées qui viennent, on envoie chacune où elle est mieux à sa place, parce qu'il y a plusieurs places qui attendent.
- Quand nous parvenons au but, nous croyons que le chemin a été le bon.
- Quand on dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets, on ne dit rien. Car les mêmes choses ne se reproduisent jamais - et d'ailleurs on ne peut jamais connaître toutes les causes.
- Que de choses il faut ignorer pour « agir »!
- Qui veut faire de grandes choses doit penser profondément aux détails.
- Rappelez-vous tout simplement qu'entre les hommes il n'existe que deux relations : la logique ou la guerre.
- Rien ne rend un homme plus redoutable, plus implacable, plus... que la faculté de voir les choses... telles qu'elles sont.
- S'il n'y a point ce matin quelque grand malheur dans le monde, nous nous sentons un certain vide.
- Si l'État est fort, il nous écrase. S'il est faible nous périssons.
- Si tous les hommes étaient également éclairés, également critiques, et surtout également courageux, toute société serait impossible !
- Tout ce que l'on dit de nous est faux; mais pas plus faux que ce que nous en pensons. Mais d'un autre faux.
- Tout ce que tu dis parle de toi ; surtout quand tu parles d'un autre.
- Tout classicisme suppose un romantisme antérieur...
L'ordre suppose un certain désordre qu'il vient réduire.
- Tout homme contient une femme. Mais jamais sultane mieux cachée que celle-ci.
- Tout homme tend à devenir machine. Habitude, méthode, maîtrise, enfin - cela veut dire machine.
- Tout système est une entreprise de l'esprit contre lui-même. Une œuvre exprime non l'être d'un auteur, mais sa volonté de paraître, qui choisit, ordonne, accorde, masque, exagère.
- Toute critique, tout blâme revient à dire : je ne suis pas toi.
- Toute politique se fonde sur l'indifférence de la plupart des intéressés, sans laquelle il n'y a point de politique possible.
- Toute vue de choses qui n'est pas étrange est fausse. Si quelque chose est réelle, elle ne peut que perdre de sa réalité en devennat familière. Méditer en philosophie, c'est revenir du familier à l'étrange, et dans l'étrange affronter le réel.
- Triste mot : touristes. Les étrangers, séparés de la vie du pays par la couche atmosphérique qu'ils transportent avec eux : habitudes, intérêts, bavardages de leur ville, jargon de leur secte.
- Tu ne m'apprends rien si tu ne m'apprends à faire quelque chose.
- Un artiste veut faire envie jusqu'à la consommation des siècles. Cité dans Œuvres (1960)
- Un état bien dangereux : croire comprendre.
- Un homme compétent est un homme qui se trompe selon les règles.
- Un homme digne refuse ce qu'on lui refuse, plus que ne le lui refusent ceux qui le lui refusent.
- Un homme passe pour volontaire ; mais au fond, il n'a que l'habitude de vouloir. Le vouloir lui est le plus facile.
- Un homme qui n'a jamais tenté de se faire semblable aux dieux, c'est moins qu'un homme.
- Un homme sérieux a peu d'idées. Un homme à idées n'est jamais sérieux.
- Un homme tirait au sort toutes ses décisions. Il ne lui arriva pas plus de mal qu'aux autres qui réfléchissent.
- Un voyage est une opération qui fait correspondre des villes à des heures.
- Une femme intelligente est une femme avec laquelle on peut être aussi bête que l'on veut.
- Une œuvre d'art qui ne nous rend pas muets, est de peu de valeur : elle est commensurable en paroles. Cité dans Œuvres (1960)
- Une œuvre dure en tant qu'elle est capable de paraître tout autre que son auteur l'avait faite.
- Véritablement bon est l'homme rare qui jamais ne blâme les gens des maux qui leur arrivent.