Citations - Marcel Proust
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XXe siècle
- Valentin Louis Georges Eugène Marcel Proust, écrivain français.
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Valentin Louis Georges Eugène Marcel Proust (1871 - 1922)
Œuvres
À l'ombre des jeunes filles en fleurs
- Avec l'amour avait disparu le désir de montrer qu'il n'avait plus d'amour.
- C'est en somme une façon comme une autre de résoudre le problème de l'existence, qu'approcher suffisamment les choses et les personnes qui nous ont paru de loin belles et mystérieuses, pour nous rendre compte qu'elles sont sans mystère et sans bonté; c'est une des hygiènes entre lesquelles on peut opter, une hygiène qui n'est peut-être pas très recommandable, mais elle nous donne un certain calme pour passer la vie, et aussi - comme elle permet de ne rien regretter, en nous persuadant que nous avons atteint le meilleur, et que le meilleur n'était pas grand'chose - pour nous résigner à la mort.
- Car les modes changent, étant nées elles-mêmes du besoin de changement.
- Ce fut vers cette époque que Bloch bouleversa ma conception du monde, ouvrit pour moi des possibilités nouvelles de bonheur (qui devaient du reste se changer plus tard en possibilités de souffrance), en m'assurant que, contrairement à ce que je croyais au temps de mes promenades du côté de Méséglise, les femmes ne demandaient jamais mieux que de faire l'amour.
- Ce jour-là, si Françoise avait la brûlante certitude des grands créateurs, mon lot était la cruelle inquiétude du chercheur.
- Ce n'est jamais qu'à cause d'un état d'esprit qui n'est pas destiné à durer qu'on prend des résolutions définitives.
- Ce n'était pas la première fois que je sentais que ceux qui aiment et ceux qui ont du plaisir ne sont pas les mêmes.
- Ce qu'on prend en présence de l'être aimé n'est qu'un cliché négatif, on le développe plus tard, une fois chez soi, quand on a retrouvé à sa disposition cette chambre noire intérieure dont l'entrée est condamnée tant qu'on voit du monde.
- Chacun appelant « idées claires » celles qui sont au même degré de confusion que les siennes propres.
- Chaque être est détruit quand nous cessons de le voir ; puis son apparition suivante est une création nouvelle, différente de celle qui l'a immédiatement précédée, sinon de toutes.
- Dans un bois l'amateur d'oiseaux distingue aussitôt ces gazouillis particuliers à chaque oiseau, que le vulgaire confond. L'amateur de jeunes filles sait que les voix humaines sont encore bien plus variées.
- Dans une langue que nous savons, nous avons substitué à l'opacité des sons la transparence des idées.
- De même que les prêtres ayant la plus grande expérience du cœur, peuvent le mieux pardonner aux péchés qu'ils ne commettent pas, de même le génie ayant la plus grande expérience de l'intelligence, peut le mieux comprendre les idées qui sont le plus opposées à celles qui forment le fond de ses propres œuvres.
- Et dussè-je, maintenant que j'étais souffrant et que je ne sortais pas seul, ne jamais pouvoir faire l'amour avec elles, j'étais tout de même heureux comme un enfant né dans une prison ou dans un hôpital et qui, ayant cru longtemps que l'organisme humain ne peut digérer que du pain sec et des médicaments, a appris tout d'un coup que les pêches, les abricots, le raisin, ne sont pas une simple parure de la campagne, mais des aliments délicieux et assimilables. Même si son geôlier ou son garde-malade ne lui permettent pas de cueillir ces beaux fruits, le monde cependant lui paraît meilleur et l'existence plus clémente. Car un désir nous semble plus beau, nous nous appuyons à lui avec plus de confiance quand nous savons qu'en dehors de nous la réalité s'y conforme, même si pour nous il n'est pas réalisable. Et nous pensons avec plus de joie à une vie où - à condition que nous écartions pour un instant de notre pensée le petit obstacle accidentel et particulier qui nous empêche personnellement de le faire, - nous pouvons nous imaginer l'assouvissant. Pour les belles jeunes filles qui passaient, du jour où j'avais su que leurs joues pouvaient être embrassées, j'étais devenu curieux de leur âme. Et l'univers m'avait paru plus intéressant.
- Il n'est pas certain que le bonheur survenu trop tard... soit tout à fait le même que celui dont le manque nous rendait jadis si malheureux.
- J'avais déjà bu beaucoup de porto, et si je demandais à en prendre encore, c'était moins en vue du bien-être que les verres nouveaux m'apporteraient que par l'effet du bien-être produit par les verres précédents.
- Je l'aimais et ne pouvais par conséquent la voir sans ce trouble, sans ce désir de quelque chose de plus qui ôte, auprès de l'être qu'on aime, la sensation d'aimer.
- Je n'étais pas encore assez âgé et j'étais resté trop sensible pour avoir renoncé au désir de plaire aux êtres et de les posséder.
- Je ressentis devant elle ce désir de vivre qui renaît en nous chaque fois que nous prenons de nouveau conscience de la beauté et du bonheur.
- L'adolescence est le seul temps où l'on ait appris quelque chose.
- L'amour devient immense, nous ne songeons pas combien la femme réelle y tient peu de place.
- L'amour le plus exclusif pour une personne est toujours l'amour d'autre chose.
- La beauté des êtres n'est pas comme celle des choses. Nous sentons qu'elle est celle d'une créature unique, consciente et volontaire.
- La constante nullité intellectuelle qui habitait sous le front songeur d'Octave avait fini par lui donner, malgré son air calme,d'inefficaces démangeaisons de penser qui la nuit l'enpechaient de dormir.
- La détermination dans notre imagination des traits d'un bonheur tient plutôt à l'identité des désirs qu'il nous inspire qu'à la précision des renseignements que nous avons sur lui.
- La durée moyenne de la vie est beaucoup plus grande pour les souvenirs des sensations poétiques que pour ceux des souffrances du cœur.
- La générosité n'est souvent que l'aspect intérieur que prennent nos sentiments égoïstes quand nous ne les avons pas encore nommés et classés.
- La manière chercheuse, anxieuse, exigeante, que nous avons de regarder la personne que nous aimons rend notre attention en face de l'être aimé trop tremblante pour qu'elle puisse obtenir de lui une image bien nette.
- La permanence et la durée ne sont promises à rien, pas même à la douleur.
- La persistance en moi d'une velléité ancienne de travailler, de réparer le temps perdu ... me donnait l'illusion que j'étais toujours aussi jeune.
- La photographie acquiert un peu de la dignité qui lui manque, quand elle cesse d'être une reproduction du réel et nous montre des choses qui n'existent plus.
- La possession d'un peu plus de la femme que nous aimons ne ferait que nous rendre plus nécessaire ce que nous ne possédons pas, et qui resterait, malgré tout, nos besoins naissant de nos satisfactions, quelque chose d'irréductible.
- La tristesse des hommes qui ont vieilli c'est de ne pas même songer à écrire de telles lettres dont ils ont appris l'inefficacité.
- La vie est semée de ces miracles que peuvent toujours espérer les personnes qui aiment.
- Le bonheur, la possession de la beauté, ne sont pas des choses inaccessibles et nous avons fait œuvre inutile en y renonçant à jamais.
- Le bonheur est dans l'amour un état anormal.
- Le temps dont nous disposons chaque jour est élastique ; les passions que nous ressentons le dilatent, celles que nous inspirons le rétrécissent, et l'habitude le remplit.
- Les beautés qu'on découvre le plus tôt sont aussi celles dont on se fatigue le plus vite.
- Les neurasthéniques ne peuvent pas croire les gens qui leur assurent qu'ils seront peu à peu calmés en restant au lit sans recevoir de lettres, sans lire de journaux. Ils se figurent que ce régime ne fera qu'exaspérer leur nervosité. De même, les amoureux, le considérant du sein d'un état contraire, n'ayant pas commencé de l'expérimenter, ne peuvent croire à la puissance bienfaisante du renoncement.
- Mais le bonheur ne peut jamais avoir lieu. Si les circonstances arrivent à être surmontées, la nature transporte la lutte du dehors au dedans et fait peu à peu changer assez notre cœur pour qu'il désire autre chose que ce qu'il va posséder. Et si la péripétie a été si rapide que notre cœur n'a pas eu le temps de changer, la nature ne désespère pas pour cela de nous vaincre, d'une manière plus tardive il est vrai, plus subtile, mais aussi efficace. C'est alors à la dernière seconde que la possession du bonheur nous est enlevée, ou plutôt c'est cette possession même que par ruse diabolique la nature charge de détruire le bonheur. Ayant échoué dans tout ce qui était du domaine des faits et de la vie, c'est une impossibilité dernière, l'impossibilité psychologique du bonheur, que la nature crée. Le phénomène du bonheur ne se produit pas ou donne lieu aux réactions les plus amères.
- Ne pas la comprendre n'a jamais fait trouver une plaisanterie moins drôle.
- Nos désirs vont s'interférant et, dans la confusion de l'existence, il est rare qu'un bonheur vienne justement se poser sur le désir qui l'avait réclamé.
- Notre vie est divisée, et comme distribuée dans une balance, en deux plateaux opposés où elle tient tout entière. Dans l'un, il y a notre désir de ne pas déplaire, de ne pas paraître trop humble à l'être que nous aimons sans parvenir à le comprendre, mais que nous trouvons plus habile de laisser un peu de côté pour qu'il n'ait pas ce sentiment de se croire indispensable, qui le détournerait de nous; de l'autre côté il y a une souffrance - non pas une souffrance localisée et partielle - qui ne pourrait au contraire être apaisée que si, renonçant au plaisir de plaire à cette femme et à lui faire croire que nous pouvons nous passer d'elle, nous allions la retrouver. Qu'on retire du plateau où est la fierté une petite quantité de volonté qu'on a eu la faiblesse de laisser s'user avec l'âge, qu'on ajoute dans le plateau où est le chagrin une souffrance physique acquise et à qui on a permis de s'aggraver, et au lieu de la solution courageuse qui l'aurait emporté à vingt ans, c'est l'autre, devenue trop lourde et sans assez de contre-poids, qui nous abaisse à cinquante.
- Nous pouvons causer pendant toute une vie sans rien dire que répéter indéfiniment le vide d'une minute.
- Nous sommes tous obligés, pour rendre la réalité supportable, d'entretenir en nous quelques petites folies.
- Nous tenons de notre famille aussi bien les idées dont nous vivons que la maladie dont nous mourrons.
- On devient moral dès qu'on est malheureux.
- On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner, car elle est un point de vue sur les choses. Les vies que vous admirez, les attitudes que vous trouvez nobles n'ont pas été disposées par le père de famille, ou par le précepteur, elles ont été précédées de débuts bien différents, ayant été influencées par ce qui régnait autour d'elles de mal ou de banalité.
- On peut avoir du goût pour une personne. Mais pour déchaîner cette tristesse, ce sentiment de l'irréparable, ces angoisses qui préparent l'amour, il faut - et il est peut-être ainsi, plutôt que ne l'est une personne, l'objet même que cherche anxieusement à étreindre la passion - le risque d'une impossibilité.
- Or, le même mystère qui dérobe souvent aux yeux la cause des catastrophes, quand il s'agit de l'amour, entoure tout aussi fréquemment la soudaineté de certaines solutions heureuses. Solutions heureuses ou du moins qui paraissent l'être, car il n'y en a guère qui le soient réellement quand il s'agit d'un sentiment d'une telle sorte que toute satisfaction qu'on lui donne ne fait généralement que déplacer la douleur. Parfois pourtant une trêve est accordée et l'on a pendant quelque temps l'illusion d'être guéri.
- Or les souvenirs d'amour ne font pas exception aux lois générales de la mémoire, elles-mêmes régies par les lois plus générales de l'habitude. Comme celle-ci affaiblit tout, ce qui nous rappelle le mieux un être, c'est justement ce que nous avons oublié (parce que c'était insignifiant, et que nous lui avons ainsi laissé toute sa force). C'est pourquoi la meilleure part de notre mémoire est hors de nous, dans un souffle pluvieux, dans l'odeur de renfermé d'une chambre ou dans l'odeur d'une première flambée, partout où nous retrouvons de nous--mêmes ce que notre intelligence, n'en ayant pas l'emploi, avait dédaigné, la dernière réserve du passé, la meilleure, celle qui, quand toutes nos larmes semblent taries, sait nous faire pleurer encore.
- Pour tous les éléments qui dans la vie et ses situations contrastées se rapportent à l'amour, le mieux est de ne pas essayer de comprendre, puisque, dans ce qu'ils ont d'inexorable comme d'inespéré, ils semblent régis par des lois plutôt magiques que rationnelles.
- Qu'on se dise si, dans la vie en commun que mènent les idées au sein de notre esprit, il est une seule de celles qui nous rendent le plus heureux qui n'ait été d'abord, en véritable parasite, demander à une idée étrangère et voisine le meilleur de la force qui lui manquait.
- Sans doute peu de personnes comprennent le caractère purement subjectif du phénomène qu'est l'amour, et la sorte de création que c'est d'une personne supplémentaire, distincte de celle qui porte le même nom dans le monde, et dont la plupart des éléments sont tirés de nous-mêmes.
- Savoir qu'on n'a plus rien à espérer n'empêche pas de continuer à attendre.
- Sombre comme l'intérieur d'un temple asiatique peint par Rembrandt.
- Théoriquement on sait que la terre tourne, mais en fait on ne s'en aperçoit pas, le sol sur lequel on marche semble ne pas bouger et on vit tranquille. Il en est ainsi du Temps dans la vie.
- Un événement que nous désirons ne se produisant jamais comme nous avons pensé, à défaut des avantages sur lesquels nous croyions pouvoir compter, d'autres, que nous n'espérions pas, se sont présentés, le tout se compense.
- Un même fait porte des rameaux opposites et le malheur qu'il engendre annule le bonheur qu'il avait causé.
- Votre rêve le plus ardent est d'humilier qui vous a offensé. Mais si vous n'entendez plus jamais parler de lui, ayant changé de pays, votre ennemi finira par ne plus avoir pour vous aucune importance.
À la recherche du temps perdu
- Ce qui rapproche, ce n'est pas la communauté des opinions, c'est la consanguinité des esprits.
- Dans l'attente on souffre tant de l'absence de ce qu'on désire qu'on ne peut supporter une autre présence.
- De profession à profession, on se devine, et de vice à vice aussi.
- Il y a quelque chose plus difficile encore que de s'astreindre à un régime, c'est de ne pas l'imposer aux autres.
- Jamais Noé ne put si bien voir le monde que de l'arche malgré qu'elle fut close et qu'il fit nuit sur la terre.
- L'audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions.
- L'idée qu'on mourra est plus cruelle que mourir, mais moins que l'idée qu'un autre est mort.
- L'oubli est un puissant instrument d'adaptation à la réalité parce qu'il détruit peu à peu en nous le passé survivant qui est en constante contradiction avec elle.
- Les choses éclatantes, on ne les fait généralement que par à-coups.
- Les enfants ont toujours une tendance soit à déprécier, soit à exalter leurs parents.
- Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres.
- On dédaigne volontiers un but qu'on n'a pas réussi à atteindre, ou qu'on a atteint définitivement.
- On est impuissant à trouver du plaisir, quand on se contente de le chercher.
- On trouve innocent de désirer et atroce ce que l'autre désire.
- Rien n'est plus limité que le plaisir et le vice.
- Tout comme l'avenir, ce n'est pas tout à la fois, mais grain par grain que l'on goûte le passé.
Albertine disparue
- À quoi bon ces malheurs inutiles? Mais je voyais maintenant que nous ne sommes pas libres de ne pas nous les forger, et que nous avons beau connaître notre volonté, les autres êtres ne lui obéissent pas.
- C'est seulement par la pensée qu'on possède les choses, et on nepossède pas un tableau parce qu'on l'a dans sa salle à manger si on ne sait pas le comprendre, ni un pays parce qu'on y réside sans même le regarder.
- C'eût été pour Mme de Stermaria que se fût exercée cette activité de l'imagination qui nous fait extraire d'une femme une telle notion de l'individuel qu'elle nous paraît unique en soi et pour nous prédestinée et nécessaire.
- Car bien souvent, pour que nous découvrions que nous sommes amoureux, peut-être même pour que nous le devenions, il faut qu'arrive le jour de la séparation.
- Car l'optimisme est la philosophie du passé. Les événements qui ont eu lieu étant, entre tous ceux qui étaient possibles, les seuls que nous connaissions, le mal qu'ils nous ont causé nous semble inévitable, et le peu de bien qu'ils n'ont pas pu ne pas amener avec eux, c'est à eux que nous en faisons honneur, et nous nous imaginons que sans eux il ne se fût pas produit.
- Ces mots avaient marqué dans mon cœur comme sur une carte la place où il fallait enfin souffrir.
- Comme l'avenir est ce qui n'existe encore que dans notre pensée, il nous semble encore modifiable par l'intervention in extremis de notre volonté.
- Et c'était bien en effet toutes les inquiétudes éprouvées depuis mon enfance qui, à l'appel de l'angoisse nouvelle, avaient accouru la renforcer, s'amalgamer à elle en une masse homogène qui m'étouffait. Certes, ce coup physique au cœur que donne une telle séparation et qui, par cette terrible puissance d'enregistrement qu'a le corps, fait de la douleur quelque chose de contemporain à toutes les époques de notre vie où nous avons souffert, - certes, ce coup au cœur sur lequel spécule peut-être un peu (tant on se soucie peu de la douleur des autres) celle qui désire donner au regret son maximum d'intensité, soit que la femme n'esquissant qu'un faux départ veuille seulement demander des conditions meilleures, soit que, partant pour toujours - pour toujours! - elle désire frapper, ou pour se venger, ou pour continuer d'être aimée, ou (dans l'intérêt de la qualité du souvenir qu'elle laissera) pour briser violemment ce réseau de lassitudes, d'indifférences, qu'elle avait senti se tisser, - certes, ce coup au cœur, on s'était bien promis de l'éviter, on s'était dit qu'on se quitterait bien. Mais il est infiniment rare qu'on se quitte bien, car si on était bien on ne se quitterait pas.
- Gilberte appartenait à la variété la plus répandue des autruches humaines, celles qui cachent leur tête dans l'espoir, non de ne pas être vues, ce qu'elles croient peu vraisemblable, mais de ne pas voir qu'on les voit, ce qui leur paraît déjà beaucoup et leur permet de s'en remettre à la chance pour le reste.
- Il est vraiment rare qu'on se quitte bien, car si on était bien, on ne se quitterait pas.
- Il était bien, me disais-je, qu'en me demandant sans cesse ce qu'elle pouvait faire, penser, vouloir à chaque instant, si elle comptait, si elle allait revenir, je tinsse ouverte cette porte de communication que l'amour avait pratiquée en moi, et sentisse la vie d'une autre submerger, par des écluses ouvertes, le réservoir qui n'aurait pas voulu redevenir stagnant.
- Il y a des moments de la vie où une sorte de beauté naît de la multiplicité des ennuis qui nous assaillent.
- J'avais moins besoin de sa fidélité que de son retour. Et si ma raison pouvait impunément le mettre quelquefois en doute, mon imagination ne cessait pas un instant de me le représenter. Instinctivement, je passai ma main sur mon cou, sur mes lèvres qui se voyaient embrassés par elle depuis qu'elle était partie, et qui ne le seraient jamais plus.
- J'ouvris Le Figaro. Quel ennui !
- Je comprenais maintenant les veufs qu'on croit consolés et qui prouvent au contraire qu'ils sont inconsolables, parce qu'ils se remarient avec leur belle-sœur.
- Je savais qu'on ne peut lire un roman sans donner à l'héroïne les traits de celle qu'on aime. Mais la fin du livre a beau être heureuse, notre amour n'a pas fait un pas de plus et, quand nous l'avons fermé, celle que nous aimons et qui est enfin venue à nous dans le roman, ne nous aime pas davantage dans la vie.
- Je sentais que la recherche du bonheur dans la satisfaction du désir moral était aussi naïve que l'entreprise d'atteindre l'horizon en marchant devant soi. Plus le désir avance, plus la possession véritable s'éloigne. De sorte que si le bonheur, ou du moins l'absence de souffrances, peut être trouvé, ce n'est pas la satisfaction, mais la réduction progressive, l'extinction finale du désir qu'il faut chercher. On cherche à voir ce qu'on aime, on devrait chercher à ne pas le voir, l'oubli seul finit par amener l'extinction du désir.
- L'amour, même en ses plus humbles commencements, est un exemple frappant du peu qu'est la réalité pour nous.
- L'art n'est pas seul à mettre du charme et du mystère dans les choses les plus insignifiantes; ce même pouvoir de les mettre en rapport intime avec nous, est dévolu aussi à la douleur.
- L'homme est l'être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu'en soi, et, en disant le contraire, ment.
- La douleur est un aussi puissant modificateur de la réalité qu'est l'ivresse.
- La manière désastreuse dont est construit l'univers psycho-pathologique veut que l'acte maladroit, l'acte qu'il faudrait avant tout éviter, soit justement l'acte calmant, l'acte qui, ouvrant pour nous, jusqu'à ce que nous en sachions le résultat, de nouvelles perspectives d'espérance, nous débarrasse momentanément de la douleur intolérable que le refus a fait naître en nous. De sorte que, quand la douleur est trop forte, nous nous précipitons dans la maladresse qui consiste à écrire, à faire prier par quelqu'un, à aller voir, à prouver qu'on ne peut se passer de celle qu'on aime.
- La force qui fait le plus de fois le tour de la terre en une seconde, ce n'est pas l'électricité, c'est la douleur.
- La réalité des êtres ne survit pour nous que peu de temps après leur mort, et au bout de quelques années ils sont comme ces dieux des religions abolies qu'on offense sans crainte parce qu'on a cessé de croire à leur existence.
- La vieillesse nous rend d'abord incapable d'entreprendre, mais non de désirer.
- Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination.
- Le chagrin est égoïste, et ne peut recevoir de remède de ce qui ne le touche pas.
- Le mensonge ne recommence à nous causer l'indignation, et la bonté la reconnaissance qu'ils devraient toujours exciter en nous, que s'ils viennent d'une femme que nous aimons, et le désir physique a ce merveilleux pouvoir de rendre son prix à l'intelligence et des bases solides à la vie morale.
- Le regret est un amplificateur du désir.
- Les homosexuels seraient les meilleurs maris du monde s'ils ne jouaient pas la comédie d'aimer les femmes.
- Les liens entre un être et nous n'existent que dans notre pensée. La mémoire en s'affaiblissant les relâche, et, malgré l'illusion dont nous voudrions être dupes et dont, par amour, par amitié, par politesse, par respect humain, par devoir, nous dupons les autres, nous existons seuls. L'homme est l'être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu'en soi, et, en disant le contraire, ment.
- Mais alors je songeais : je tenais à Albertine plus qu'à moi-même; je ne tiens plus à elle maintenant parce que pendant un certain temps j'ai cessé de la voir. Mon désir de ne pas être séparé de moi-même par la mort, de ressusciter après la mort, ce désir-là n'était pas comme le désir de ne jamais être séparé d'Albertine, il durait toujours. Mais cela tenait-il à ce que je me croyais plus précieux qu'elle, à ce que, quand je l'aimais, je m'aimais davantage? Non, cela tenait à ce que, cessant de la voir, j'avais cessé de l'aimer, et que je n'avais pas cessé de m'aimer parce que mes liens avec moi-même n'avaient pas été rompus comme l'avaient été ceux avec Albertine. Mais si ceux avec mon corps, avec moi-même, l'étaient aussi... ? Certes il en serait de même. Notre amour de la vie n'est qu'une vieille liaison dont nous ne savons pas nous débarrasser. Sa force est dans sa permanence. Mais la mort qui la rompt nous guérira du désir de l'immortalité.
- Notre amour de la vie n'est qu'une vieille liaison, dont nous ne savons pas nous débarrasser.
- Nous n'arrivons pas à changer les choses suivant notre désir, mais peu à peu notre désir change.
- On découvre au téléphone les inflexions d'une voix qu'on ne distingue pas tant qu'elle n'est pas dissociée d'un visage où on objective son expression.
- On ne guérit d'une souffrance qu'à condition de l'éprouver pleinement.
- On ne peut regretter que ce qu'on se rappelle.
- Qu'une maladie, un duel, un cheval emporté, nous fassent voir la mort de près, nous aurions joui richement de la vie, de la volupté, de pays inconnus dont nous allons être privés. Et une fois le danger passé, ce que nous retrouvons, c'est la même vie morne où rien de tout cela n'existait pour nous.
- Quand notre maîtresse est vivante, une grande partie des pensées qui forment ce que nous appelons notre amour nous viennent pendant les heures où elle n'est pas à côté de nous. Ainsi l'on prend l'habitude d'avoir pour objet de sa rêverie un être absent, et qui, même s'il ne le reste que quelques heures, pendant ces heures-là n'est qu'un souvenir. Aussi la mort ne change-t-elle pas grand-chose.
- Quand on se voit au bord de l'abîme et qu'il semble que Dieu vous ait abandonné, on n'hésite plus à attendre de lui un miracle.
- Un homme qui a oublié les belles nuits passées au clair de lune dans les bois souffre encore des rhumatismes qu'il y a pris.
- Une femme est d'une plus grande utilité pour notre vie si elle y est, au lieu d'un élément de bonheur, un instrument de chagrin.
Du côté de chez Swann
- Autrefois on rêvait de posséder le cœur de la femme dont on était amoureux; plus tard, sentir qu'on possède le cœur d'une femme peut suffire à vous en rendre amoureux.
- [...] Bien souvent la pensée des agonisants est tournée vers le côté effectif, douloureux, obscur, viscéral, vers cet envers de la mort qui est précisément le côté qu'elle leur présente, qu'elle leur fait rudement sentir et qui ressemble beaucoup plus à un fardeau qui les écrase, à une difficulté de respirer, à un besoin de boire, qu'à ce que nous appelons l'idée de la mort.
- Car souvent j'ai voulu revoir une personne sans discerner que c'était simplement parce qu'elle me rappelait une haie d'aubépines, et j'ai été induit à croire, à faire croire à un regain d'affection, pour un simple désir de voyage.
- Ce n'est pas à un autre homme intelligent qu'un homme intelligent aura peur de paraître bête.
- Ce que je reproche aux journaux, c'est de nous faire faire attention tous les jours à des choses insignifiantes, tandis que nous lisons trois au quatre fois dans notre vie les livres où il y a des choses essentielles.
- Cette angoisse qu'il y a à sentir l'être qu'on aime dans un lieu de plaisir où l'on n'est pas, où l'on ne peut pas le rejoindre, c'est l'amour qui la lui a fait connaître, l'amour, auquel elle est en quelque sorte prédestinée, par lequel elle sera accaparée, spécialisée; mais quand, comme pour moi, elle est entrée en nous avant qu'il ait encore fait son apparition dans notre vie, elle flotte en l'attendant, vague et libre, sans affectation déterminée, au service un jour d'un sentiment, le lendemain d'un autre, tantôt de la tendresse filiale ou de l'amitié pour un camarade.
- Elle avait appris dans sa jeunesse, à caresser les phrases, au long col sinueux et démesuré, de Chopin, si libres, si flexibles, si tactiles, qui commencent par chercher et essayer leur place en dehors et bien loin de la direction de leur départ, bien loin du point où on avait pu espérer qu'atteindrait leur attouchement, et qui ne se jouent dans cet écart de fantaisie que pour revenir plus délibérément - d'un retour plus prémédité, avec plus de précision, comme sur un cristal qui résonnerait jusqu'à faire crier - vous frapper au cœur.
- Elle ne se résignait jamais à rien acheter dont on ne pût tirer un profit intellectuel, et surtout celui que nous procurent les belles choses en nous apprenant à chercher notre plaisir ailleurs que dans les satisfactions du bien-être ou de la vanité.
- Hélas, c'était en vain que j'implorais le donjon de Roussainville, que je lui demandais de faire venir auprès de moi quelque enfant de son village, comme au seul confident que j'avais eu de mes premiers désirs, quand au haut de notre maison de Combray, dans le petit cabinet sentant l'iris, je ne voyais que sa tour au milieu du carreau de la fenêtre entr'ouverte, pendant qu'avec les hésitations héroïques du voyageur qui entreprend une exploration ou du désespéré qui se suicide, défaillant, je me frayais en moi-même une route inconnue et que je croyais mortelle, jusqu'au moment où une trace naturelle comme celle d'un colimaçon s'ajoutait aux feuilles du cassis sauvage qui se penchaient jusqu'à moi.
- Il est remarquable combien une personne excite toujours d'admiration pour ses qualités morales chez les parents de toute autre personne avec qui elle a des relations charnelles.
- J'aurais dû être heureux : je ne l'étais pas.
- J'étais pour longtemps encore à l'âge où (...) l'on n'a pas réduit le plaisir à une notion générale qui les (les femmes) fait considérer dès lors comme les instruments interchangeables d'un plaisir toujours identique (cette phrase est souvent citée sous la seule forme : "Les femmes sont les instruments interchangeables d'un plaisir toujours identique" ; ainsi tronqué, ce passage dénature le texte de Proust et montre cet auteur sous un jour erroné).
- Je trouve très raisonnable la croyance celtique que les âmes de ceux que nous avons perdus sont captives dans quelque être inférieur, dans une bête, un végétal, une chose inanimée, perdues en effet pour nous jusqu'au jour, qui pour beaucoup ne vient jamais, où nous nous trouvons passer près de l'arbre, entrer en possession de l'objet qui est leur prison. Alors elles tressaillent, nous appellent, et sitôt que nous les avons reconnues l'enchantement est brisé. Délivrées par nous, elles ont vaincu la mort et reviennent vivre avec nous.
- L'influence anesthésique de l'habitude ayant cessé, je me mettais à penser, à sentir, choses si tristes.
- Le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant.
- Mais même au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n'a qu'à aller prendre connaissance comme d'un cahier des charges ou d'un testament; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l'acte si simple que nous appelons « voir une personne que nous connaissons » est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l'apparence physique de l'être que nous voyons de toutes les notions que nous avons sur lui, et dans l'aspect total que nous nous représentons, ces notions ont certainement la plus grande part. Elles finissent par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhérence si exacte la ligne du nez, elles se mêlent si bien de nuancer la voix comme si celle-ci n'était qu'une transparente enveloppe, que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous écoutons.
- On ne connaît pas son bonheur. On n'est jamais aussi malheureux qu'on croit.
- Peut-être l'immobilité des choses autour de nous leur est-elle imposée par notre certitude que ce sont elles et non pas d'autres, par l'immobilité de notre pensée en face d'elles.
- Plus tard, il arrive que, devenus habiles dans la culture de nos plaisirs, nous nous contentions de celui que nous avons à penser à une femme comme je pensais à Gilberte, sans être inquiets de savoir si cette image correspond à la réalité, et aussi de l'aimer sans avoir besoin d'être certains qu'elle nous aime; ou encore que nous renoncions au plaisir de lui avouer notre inclination pour elle, afin d'entretenir plus vivace l'inclination qu'elle a pour nous, imitant ces jardiniers japonais qui, pour obtenir une plus belle fleur, en sacrifient plusieurs autres.
- Pour parcourir les jours, les natures un peu nerveuses, comme était la mienne, disposent, comme les voitures automobiles, de « vitesses » différentes. Il y a des jours montueux et malaisés qu'on met un temps infini à gravir et des jours en pente qui se laissent descendre à fond de train en chantant.
- Que de bonheurs possibles dont on sacrifie ainsi la réalisation à l'impatience d'un plaisir immédiat.
- Que nous croyions qu'un être participe à une vie inconnue où son amour nous ferait pénétrer, c'est, de tout ce qu'exige l'amour pour naître, ce à quoi il tient le plus, et qui lui fait faire bon marché du reste. Même les femmes, qui prétendent ne juger un homme que sur son physique, voient en ce physique l'émanation d'une vie spéciale. C'est pourquoi elles aiment les militaires, les pompiers; l'uniforme les rend moins difficiles pour le visage; elles croient baiser sous la cuirasse un cœur différent, amoureux et doux; et un jeune souverain, un prince héritier, pour faire les plus flatteuses conquêtes, dans les pays qu'il visite, n'a pas besoin du profil régulier qui serait peut-être indispensable à un coulissier.
- S'il peut quelquefois suffire pour que nous aimions une femme qu'elle nous regarde avec mépris, et que nous pensions qu'elle ne pourra jamais nous appartenir, quelquefois aussi il peut suffire qu'elle nous regarde avec bonté et que nous pensions qu'elle pourra nous appartenir.
- Swann, lui, ne cherchait pas à trouver jolies les femmes avec qui il passait son temps, mais à passer son temps avec les femmes qu'il avait d'abord trouvées jolies.
- Tâchez de garder toujours un morceau de ciel au dessus de votre vie.
- Tous les souvenirs voluptueux qu'il emportait de chez elle étaient comme autant d'esquisses, de « projets » pareils à ceux que vous soumet un décorateur, et qui permettaient à Swann de se faire une idée des attitudes ardentes ou pâmées qu'elle pouvait avoir avec d'autres. De sorte qu'il en arrivait à regretter chaque plaisir qu'il goûtait près d'elle, chaque caresse inventée et dont il avait eu l'imprudence de lui signaler la douceur, chaque grâce qu'il lui découvrait, car il savait qu'un instant après, elles allaient enrichir d'instruments nouveaux son supplice.
Jean Santeuil
- Aimer ses parents c'est prendre sur soi, agir par sa volonté pour leur faire plaisir.
- Il est doux à tout âge de se laisser guider par la fantaisie.
- On peut tout ce qui ne dépend que de notre volonté.
La fugitive
- À partir d'un certain âge, nos amours, nos maîtresses sont filles de notre angoisse.
- Ce n'est pas parce que les autres sont morts que notre affection pour eux s'affaiblit, c'est parce que nous mourrons nous-mêmes.
La prisonnière
- À nos pieds, nos ombres parallèles, puis rapprochées et jointes, faisaient un dessin ravissant. [...] Et je trouvais un charme plus immatériel sans doute, mais non moins intime qu'au rapprochement, à la fusion de nos corps, à celle de nos ombres.
- Albertine employait toujours le ton dubitatif pour les résolutions irrévocables.
- Bien souvent, un amour n'est que l'association d'une image de jeune fille - qui sans cela nous eût été vite insupportable - avec les battements de coeur inséparables d'une attente interminable.
- Comme il n'est de connaissance, on peut dire qu'il n'est de jalousie que de soi-même. L'observation compte peu. Ce n'est que du plaisir ressenti par soi-même qu'on peut tirer savoir et douleur.
- Comment a-t-on le courage de souhaiter vivre, comment peut-on faire un mouvement pour se préserver de la mort, dans un monde où l'amour n'est provoqué que par le mensonge et consiste seulement dans notre besoin de voir nos souffrances apaisées par l'être qui nous a fait souffrir ?
- De même que les peuples ne sont pas longtemps gouvernés par une politique de pur sentiment, les hommes ne le sont pas par le souvenir de leur rêve.
- Elle avait vu par ma gentillesse pour elle qu'elle n'avait pas besoin de m'en montrer autant qu'aux autres pour en obtenir plus que d'eux.
- Elle glissait dans ma bouche sa langue, comme un pain quotidien, comme un aliment nourrissant et ayant le caractère presque sacré de toute chair à qui les souffrances que nous avons endurées à cause d'elle ont fini par conférer une sorte de douceur morale.
- Elle nous avait promis une lettre, nous étions calme, nous n'aimions plus. La lettre n'est pas venue, aucun courrier n'en apporte, « que se passe-t-il? », l'anxiété renaît, et l'amour. Ce sont surtout de tels êtres qui nous inspirent l'amour, pour notre désolation. Chaque anxiété nouvelle que nous éprouvons par eux enlève à nos yeux de leur personnalité. Nous étions résigné à la souffrance, croyant aimer en dehors de nous, et nous nous apercevons que notre amour est fonction de notre tristesse, que notre amour c'est peut-être notre tristesse, et que l'objet n'en est que pour une faible part la jeune fille à la noire chevelure.
- En amour, il est plus facile de renoncer à un sentiment que de perdre une habitude.
- Il semble que dans la vie mondaine, reflet insignifiant de ce qui se passe en amour, la meilleure manière qu'on vous recherche, c'est de se refuser.
- Il semble que les événements soient plus vastes que le moment où ils ont lieu et ne peuvent y tenir tout entiers. Certes, ils débordent sur l'avenir par la mémoire que nous en gardons, mais ils demandent aussi une place au temps qui les précède. Certes, on dira que nous ne les voyons pas alors tels qu'ils seront, mais dans le souvenir ne sont-ils pas aussi modifiés ?
- Il vaut mieux ne pas savoir, penser le moins possible, ne pas fournir à la jalousie le moindre détail concret.
- Je me demandais comment, puisque tant de peintres cherchent à renouveler les portraits féminins du XVIIIème siècle où l'ingénieuse mise en scène est un prétexte aux expressions de l'attente, de la bouderie, de l'intérêt, de la rêverie, comment aucun de nos modernes Boucher [...] ne peignit, au lieu de « la Lettre », du « Clavecin » etc., cette scène qui pourrait s'appeler : « Devant le téléphone ».
- Je me demandais si la Musique n'était pas l'exemple unique de ce qu'aurait pu être - s'il n'y avait pas eu l'invention du langage, la formation des mots, l'analyse des idées - la communication des âmes. Elle est comme une possibilité qui n'a pas eu de suites; l'humanité s'est engagée dans d'autres voies, celle du langage parlé et écrit. Mais ce retour à l'inanalysé était si enivrant qu'au sortir de ce paradis le contact des êtres plus ou moins intelligents me semblait d'une insignifiance extraordinaire.
- Je savais ne pas diminuer son affection en lui témoignant la mienne.
- L'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au cœur.
- L'univers est vrai pour nous tous et dissemblable pour chacun.
- La jalousie n'est souvent qu'un inquiet besoin de tyrannie appliquée aux choses de l'amour.
- La musique est peut-être l'exemple unique de ce qu'aurait pu être - s'il n'y avait pas eu l'invention du langage, la formation des mots, l'analyse des idées - la communication des âmes.
- La nature ne semble guère capable de donner que des maladies assez courtes. Mais la médecine s'est annexé l'art de les prolonger.
- La possession de ce qu'on aime est une joie plus grande encore que l'amour.
- La souffrance dans l'amour cesse par instants, mais pour reprendre d'une façon différente. Nous pleurons de voir celle que nous aimons ne plus avoir avec nous ces élans de sympathie, ces avances amoureuses du début, nous souffrons plus encore que, les ayant perdus pour nous, elle les retrouve pour d'autres.
- La vie pouvait-elle me consoler de l'art ? y avait-il dans l'art une réalité plus profonde où notre personnalité véritable trouve une expression que ne lui donnent pas les actions de la vie ?
- Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux paysages, mais d'avoir d'autres yeux, de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est.
- Le témoignage des sens est, lui aussi, une opération de l'esprit où la conviction crée l'évidence.
- Les choses dont on parle le plus souvent en plaisantant sont généralement celles qui ennuient, mais dont on ne veut pas avoir l'air ennuyé.
- Les mille bontés de l'amour peuvent finir par éveiller chez l'être qui l'inspire et ne l'éprouve pas, une affection, une reconnaissance, moins égoïstes que le sentiment qui les a provoquées, et qui, peut-être, après des années de séparation, quand il ne resterait rien de lui chez l'ancien amant, subsisterait toujours chez l'aimée.
- Mort à jamais ? Qui peut le dire ?
- Nous sommes des sculpteurs. Nous voulons obtenir d'une femme une statue entièrement différente de celle qu'elle nous a présentée.
- Nous trouvons de tout dans notre mémoire; elle est une espèce de pharmacie, de laboratoire de chimie, où on met au hasard la main tantôt sur une drogue calmante, tantôt sur un poison dangereux.
- On a dit que la beauté est une promesse de bonheur. Inversement la possibilité du plaisir peut être un commencement de beauté.
- On n'aime que ce en quoi on poursuit quelque chose d'inaccessible, on n'aime que ce qu'on ne possède pas.
- On n'arrive pas à être heureux mais on fait des remarques sur les raisons qui empêchent de l'être et qui nous fussent restées invisibles sans ces brusques percées de la déception.
- On ne comprend rien à un cours d'algèbre.
- On ne supporte pas toujours bien les larmes qu'on fait verser.
- On se souvient d'une atmosphère parce que des jeunes filles y ont souri.
- On trouve innocent de désirer et atroce que l'autre désire.
- Qu'y a-t-il de plus poétique que Xerxès, fils de Darius, faisant fouetter de verges la mer qui avait englouti ses vaisseaux ?
- Quand on veut se rappeler de quelle façon on a commencé d'aimer une femme, on aime déjà; les rêveries d'avant, on ne se disait pas : c'est le prélude d'un amour, faisons attention ; et elles avançaient par surprise, à peine remarquées de nous.
- Si tranquille qu'on se croie quand on aime, on a toujours l'amour dans son cœur en état d'équilibre instable.
- Son sommeil réalisait, dans une certaine mesure, la possibilité de l'amour ; seul, je pouvais penser à elle, mais elle me manquait, je ne la possédais pas ; présente, je lui parlais, mais étais trop absent de moi-même pour pouvoir penser. Quand elle dormait, je n'avais plus à parler, je savais que je n'étais plus regardé par elle, je n'avais plus besoin de vivre à la surface de moi-même.
- Son ventre dissimulant la place qui chez l'homme s'enlaidit (comme du crampon resté scellé dans une statue descellée) se refermait, à la jonction des cuisses, par deux valves d'une courbe aussi assoupie, aussi reposante, aussi claustrale que celle de l'horizon quand le soleil a disparu.
- Sous toute douceur charnelle un peu profonde, il y a la permanence d'un danger.
- Souvent les femmes ne nous plaisent qu'à cause du contrepoids d'hommes à qui nous avons à les disputer.
- Un chirurgien qui nous fait mal nous reste indifférent.
Le côté de Guermantes, tome I
- C'est dans la maladie que nous nous rendons compte que nous ne vivons pas seuls, mais enchaînés à un être d'un règne différent, dont des abîmes nous séparent, qui ne nous connaît pas et duquel il est impossible de nous faire comprendre : notre corps.
- Il en est du sommeil comme de la perception du monde extérieur. Il suffit d'une modification dans nos habitudes pour le rendre poétique, il suffit qu'en nous déshabillant nous nous soyons endormi sans le vouloir sur notre lit, pour que les dimensions du sommeil soient changées et sa beauté sentie. On s'éveille, on voit quatre heures à sa montre, ce n'est que quatre heures du matin, mais nous croyons que toute la journée s'est écoulée, tant ce sommeil de quelques minutes et que nous n'avions pas cherché nous a paru descendu du ciel, en vertu de quelque droit divin, énorme et plein comme le globe d'or d'un empereur.
- La louange la plus haute de Dieu est dans la négation de l'athée qui trouve la Création assez parfaite pour se passer d'un créateur.
- Les égoïstes ont toujours le dernier mot; ayant posé d'abord que leur résolution est inébranlable, plus le sentiment auquel on fait appel en eux pour qu'ils y renoncent est touchant, plus ils trouvent condamnables, non pas eux qui y résistent, mais ceux qui les mettent dans la nécessité d'y résister, de sorte que leur propre dureté peut aller jusqu'à la plus extrême cruauté sans que cela fasse à leurs yeux qu'aggraver d'autant la culpabilité de l'être assez indélicat pour souffrir, pour avoir raison, et leur causer ainsi lâchement la douleur d'agir contre leur propre pitié.
- Nous localisons dans le corps d'une personne toutes les possibilités de sa vie, le souvenir des êtres qu'elle connaît et qu'elle vient de quitter, ou s'en va rejoindre.
- On a dit que le silence était une force; dans tout un autre sens, il en est une terrible à la disposition de ceux qui sont aimés. Elle accroît l'anxiété de qui attend. Rien n'invite tant à se rapprocher d'un être que ce qui en sépare, et quelle plus infranchissable barrière que le silence? On a dit aussi que le silence était un supplice, et capable de rendre fou celui qui y était astreint dans les prisons. Mais quel supplice - plus grand que de garder le silence - de l'endurer de ce qu'on aime! Robert se disait : « Que fait-elle donc pour qu'elle se taise ainsi? Sans doute, elle me trompe avec d'autres? » Il se disait encore : « qu'ai-je donc fait pour qu'elle se taise ainsi? Elle me hait peut-être, et pour toujours. » Et il s'accusait. Ainsi le silence le rendait fou, en effet, par la jalousie et par le remords. D'ailleurs, plus cruel que celui des prisons, ce silence-là est prison lui-même. Une clôture immatérielle, sans doute, mais impénétrable, cette tranche interposée d'atmosphère vide, mais que les rayons visuels de l'abandonné ne peuvent traverser. Est-il un plus terrible éclairage que le silence, qui ne nous montre pas une absente, mais mille, et chacune se livrant à quelque autre trahison? Parfois, dans une brusque détente, ce silence, Robert croyait qu'il allait cesser à l'instant, que la lettre attendue allait venir. Il la voyait, elle arrivait, il épiait chaque bruit, il était déjà désaltéré, il murmurait : « La lettre! La lettre! » Après avoir entrevu ainsi une oasis imaginaire de tendresse, il se retrouvait piétinant dans le désert réel du silence sans fin.
- Si cette femme a affaire, même sans s'en apercevoir, à un sentimental, mais surtout si elle s'en aperçoit, un jeu terrible commence. Incapable de surmonter sa déception, de se passer de cette femme, il la relance, elle le fuit, si bien qu'un sourire qu'il n'osait plus espérer est payé mille fois ce qu'eussent dû l'être les dernières faveurs. Il arrive même parfois dans ce cas, quand on a eu, par un mélange de naïveté dans le jugement et de lâcheté devant la souffrance, la folie de faire d'une fille une inaccessible idole, que ces dernières faveurs, ou même le premier baiser, on ne l'obtiendra jamais, on n'ose même plus le demander pour ne pas démentir des assurances de platonique amour. Et c'est une grande souffrance alors de quitter la vie sans avoir jamais su ce que pouvait être le baiser de la femme qu'on a le plus aimée.
- Tout ce que nous connaissons de grand nous vient des nerveux. Ce sont eux et non pas d'autres qui ont fondé les religions et composé les chefs-d'œuvre. Jamais le monde ne saura tout ce qu'il leur doit et surtout ce qu'eux ont souffert pour le lui donner.
- Toute réalité est peut-être aussi dissemblable de celle que nous croyons percevoir directement et que nous composons à l'aide d'idées qui ne se montrent pas mais sont agissantes, de même que les arbres, le soleil et le ciel ne seraient pas tels que nous les voyons, s'ils étaient connus par des êtres ayant des yeux autrement constitués que les nôtres, ou bien possédant pour cette besogne des organes autres que des yeux et qui donneraient des arbres, du ciel et du soleil des équivalents mais non visuels.
- Un plan incliné rapproche assez vite le désir de la jouissance pour que la seule beauté apparaisse déjà comme un consentement.
Le côté de Guermantes, tome II
- Au besoin, quelque fait normal, par exemple : vouloir faire payer les riches plus que les pauvres, la lumière sur une iniquité, préférer la paix à la guerre, il le trouvera scandaleux et y verra une offense à certains principes auxquels il n'avait pas pensé en effet, qui ne sont pas inscrits dans le cœur de l'homme, mais qui émeuvent fortement à cause des acclamations qu'ils déchaînent et des compactes majorités qu'ils rassemblent.
- Chez le prêtre comme chez l'aliéniste, il y a toujours quelque chose du juge d'instruction. D'ailleurs quel est l'ami, si cher soit-il, dans le passé, commun avec le nôtre, de qui il n'y ait pas de ces minutes dont nous ne trouvions plus commode de nous persuader qu'il a dû les oublier ?
- Dans la vie de la plupart des femmes, tout, même le plus grand chagrin, aboutit à une question d'essayage.
- Dans les familles bourgeoises, on voit parfois naître des jalousies si la soeur cadette se marie avant l'aînée.
- Il n'y a rien comme le désir pour empêcher les choses qu'on dit d'avoir aucune ressemblance avec ce qu'on a dans la pensée. Le temps presse, et pourtant il semble qu'on veuille gagner du temps en parlant de sujets absolument étrangers à celui qui nous préoccupe. On cause alors que la phrase qu'on voudrait prononcer serait déjà accompagnée d'un geste, à supposer même que, (pour se donner le plaisir de l'immédiat et assouvir la curiosité qu'on éprouve à l'égard des réactions qu'il amènera) sans mot dire, sans demander aucune permission, on n'ait pas fait ce geste.
- Il paraît que, rien que dans mon petit bout de jardin, il se passe en plein jour plus de choses inconvenantes que la nuit...dans le bois de Boulogne ! Seulement cela ne se remarque pas parce qu'entre fleurs cela se fait très simplement, on voit une petite pluie orangée, ou bien une mouche très poussiéreuse qui vient essuyer ses pieds ou prendre une douche avant d'entrer dans une fleur. Et tout est consommé !
- J'avais appris qu'il n'était pas possible de la toucher, de l'embrasser, qu'on pouvait seulement causer avec elle, que pour moi elle n'était pas une femme plus que des raisins de jade, décoration incomestible des tables d'autrefois, ne sont des raisins.
- L'île du Bois m'avait semblé faite pour le plaisir parce que je m'étais trouvé aller y goûter la tristesse de n'en avoir aucun à y abriter.
- La jeunesse une fois passée, il est rare que l'on reste confiné dans l'insolence.
- La louange la plus haute de Dieu est dans la négation de l'athée qui trouve la Création assez parfaite pour se passer d'un créateur.
- La porte du palier ne se refermait d'elle même très lentement, sur les courants d'air de l'escalier, qu'en exécutant les hachures de phrases voluptueuses et gémissantes qui se superposent au choeur des Pélerins, vers la fin de l'ouverture de Tannhäuser.
- La vie en se retirant venait d'emporter les désillusions de la vie.
- Le désœuvrement et la stérilité sont à une activité sociale véritable ce qu'est en art la critique à la création.
- Les contempteurs de l'amitié peuvent, sans illusions et non sans remords, être les meilleurs amis du monde.
- Les créatures qui ont joué un grand rôle dans notre vie, il est rare qu'elles en sortent tout d'un coup d'une façon définitive.
- Mais on ne profite d'aucune leçon parce qu'on ne sait pas descendre jusqu'au général et qu'on se figure toujours se trouver en présence d'une expérience qui n'a pas de précedents dans le passé.
- Notre mémoire et notre cœur ne sont pas assez grands pour pouvoir être fidèles.
- Nous ne profitons guère de notre vie, nous laissons inachevées dans les crépuscules d'été ou les nuits précoces d'hiver les heures où il nous avait semblé qu'eût pu pourtant être enfermé un peu de paix ou de plaisir.
- Nous sommes attirés par toute vie qui nous représente quelque chose d'inconnu, par une dernière illusion à détruire.
- Pour le baiser nos narines et nos yeux sont aussi mal placés que nos lèvres mal faites.
- Pour une grande part, la souffrance est une sorte de besoin de l'organisme de prendre conscience d'un état nouveau qui l'inquiète, de rendre la sensibilité adéquate à cet état.
- Quand les heures s'enveloppent de causeries, on ne peut plus les mesurer, même les voir, elles s'évanouissent et tout d'un coup c'est bien loin du point où il vous avait échappé que reparaît devant votre attention le temps agile et escamoté. Mais si nous sommes seuls, la préoccupation, en ramenant devant nous le moment encore éloigné et sans cesse attendu, avec la fréquence et l'uniformité d'un tic-tac, divise ou plutôt multiplie les heures par toutes les minutes qu'entre amis nous n'aurions pas comptées.
- Vivez tout à fait avec la femme et vous ne verrez plus rien de ce qui vous l'a fait aimer.
Le temps retrouvé
- Aimer est un mauvais sort, comme ceux qu'il y a dans les contes, contre quoi on ne peut rien jusqu'à ce que l'enchantement ait cessé.
- Avoir un corps, c'est la grande menace pour l'esprit.
- C'est parce qu'ils contiennent ainsi les heures du passé que les corps humains peuvent faire tant de mal à ceux qui les aiment.
- C'est toujours l'attachement à l'objet qui amène la mort du possesseur.
- Car le bonheur seul est salutaire pour le corps, mais c'est le chagrin qui développe les forces de l'esprit.
- Ce ne sont pas les êtres qui existent réellement, mais les idées.
- Ce qui est dangereux et procréateur de souffrances dans l'amour, ce n'est pas la femme elle-même, c'est sa présence de tous les jours, la curiosité de ce qu'elle fait à tous moments; ce n'est pas la femme, c'est l'habitude.
- Dans les personnes que nous aimons, il y a, immanent à elles, un certain rêve que nous ne savons pas toujours discerner mais que nous poursuivons.
- En amour, notre rival heureux, autant dire notre ennemi, est notre bienfaiteur. A un être qui n'excitait en nous qu'un insignifiant désir physique il ajoute aussitôt une valeur immense, étrangère, mais que nous confondons avec lui. Si nous n'avions pas de rivaux, le plaisir ne se transformerait pas en amour.
- En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même.
- Gilberte était comme ces pays avec qui on n'ose pas faire d'alliance parce qu'ils changent trop souvent de gouvernement.
- Il est faux de croire que l'échelle des craintes correspond à celle des dangers qui les inspirent. On peut avoir peur de ne pas dormir et nullement d'un duel sérieux, d'un rat et pas d'un lion.
- Il n'est de souvenir douloureux que des morts. Or ceux-ci se détruisent vite, et il ne reste plus autour de leurs tombes mêmes que la beauté de la nature, le silence, la pureté de l'air.
- Il n'y a guère que le sadisme qui donne un fondement dans la vie à l'esthétique du mélodrame.
- L'art véritable n'a que faire de proclamations et s'accomplit dans le silence.
- L'artiste qui renonce à une heure de travail pour une heure de causerie avec un ami sait qu'il sacrifie une réalité pour quelque chose qui n'existe pas.
- L'expérience aurait dû m'apprendre - si elle apprenait jamais rien - qu'aimer est un mauvais sort comme ceux qu'il y a dans les contes, contre quoi on ne peut rien jusqu'à ce que l'enchantement ait cessé.
- L'instinct dicte le devoir et l'intelligence fournit des prétextes pour l'éluder.
- L'obscurité qui baigne toute chose comme un élément nouveau a pour effet, irrésistiblement tentateur pour certaines personnes, de supprimer le premier stade du plaisir et de nous faire entrer de plain-pied dans un domaine de caresses où l'on accède d'habitude qu'après quelque temps.
- L'ouvrage de l'écrivain n'est qu'une espèce d'instrument d'optique qu'il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que, sans ce livre, il n'eût peut-être pas vu en soi-même.
- La beauté des images est logée à l'arrière des choses, celle des idées à l'avant. De sorte que la première cesse de nous émerveiller quand on les a atteintes, mais qu'on ne comprend la seconde que quand on les a dépassées.
- La vérité suprême de la vie est dans l'art.
- La vie nous déçoit tellement que nous finissons par croire que la littérature n'a aucun rapport avec elle et nous sommes stupéfaits de voir que les précieuses idées que les livres nous ont montrées s'étalent, sans peur de s'abîmer, gratuitement, naturellement, en pleine vie quotidienne.
- Le bonheur est salutaire pour le corps, mais c'est le chagrin qui développe les forces de l'esprit.
- Le sens critique est soumission à la réalité intérieure.
- Les années heureuses sont les années perdues, on attend une souffrance pour travailler.
- Les idées sont des succédanés des chagrins; au moment où ceux-ci se changent en idées, ils perdent une partie de leur action nocive sur notre cœur, et même, au premier instant, la transformation elle-même dégage subitement de la joie.
- Les œuvres, comme dans les puits artésiens, montent d'autant plus haut que la souffrance a plus creusé le cœur.
- Les relations avec une femme qu'on aime peuvent rester platoniques pour une autre raison que la vertu de la femme ou que la nature peu sensuelle de l'amour qu'elle inspire. Cette raison peut être que l'amoureux, trop impatient par l'excès même de son amour, ne sait pas attendre avec une feinte suffisante d'indifférence le moment où il obtiendra ce qu'il désire. Tout le temps il revient à la charge, il ne cesse d'écrire à celle qu'il aime, il cherche tout le temps à la voir, elle le lui refuse, il est désespéré. Dès lors elle a compris que si elle lui accorde sa compagnie, son amitié, ces biens paraîtront déjà tellement considérables à celui qui a cru en être privé, qu'elle peut se dispenser de donner davantage, et profiter d'un moment où il ne peut plus supporter de ne pas la voir, où il veut à tout prix terminer la guerre, en lui imposant une paix qui aura pour première condition le platonisme des relations. D'ailleurs, pendant tout le temps qui a précédé ce traité, l'amoureux tout le temps anxieux, sans cesse à l'affût d'une lettre, d'un regard, a cessé de penser à la possession physique dont le désir l'avait tourmenté d'abord, mais qui s'est usé dans l'attente et a fait place à des besoins d'un autre ordre, plus douloureux d'ailleurs s'ils ne sont pas satisfaits. Alors le plaisir qu'on avait le premier jour espéré des caresses, on le reçoit plus tard, tout dénaturé, sous la forme de paroles amicales, de promesses de présence qui, après les effets de l'incertitude, quelquefois simplement après un regard embrumé de tous les brouillards de la froideur et qui recule si loin la personne qu'on croit qu'on ne la reverra jamais, amènent de délicieuses détentes.
- Les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie, mais de l'obscurité et du silence.
- Les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus.
- Mais puisque je savais maintenant que je ne pouvais rien atteindre de plus que des plaisirs frivoles, à quoi bon me les refuser ?
- Nos plus grandes craintes, comme nos plus grandes espérances, ne sont pas au-dessus de nos forces et nous pouvons finir par dominer les unes et réaliser les autres.
- Nous sommes obligés de revivre notre souffrance particulière avec le courage du médecin qui recommence sur lui-même la dangereuse piqûre.
- Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous-mêmes.
- Pour que les choses paraissent nouvelles, si elles sont anciennes, et même si elles sont nouvelles, il faut, en art, comme en médecine, comme en mondanité, des noms nouveaux.
- Quant au bonheur, il n'a presque qu'une seule utilité, rendre le malheur possible.
- Un livre est un grand cimetière où, sur la plupart des tombes, on ne peut plus lire les noms effacés.
- Un nom, c'est bien souvent tout ce qui reste pour nous d'un être non pas même quand il est mort, mais de son vivant.
- Une femme qu'on aime suffit rarement à tous nos besoins et on la trompe avec une femme qu'on n'aime pas.
- Une heure n'est pas qu'une heure, c'est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats.
- Une œuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix.
Les plaisirs et les jours
- Il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre, ce soit encore la rêver.
- L'absence n'est-elle pas, pour qui aime, la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ?
- L'ambition enivre plus que la gloire.
- L'espérance est un acte de foi.
- Le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses.
- Les femmes réalisent la beauté sans la comprendre.
- Les paradoxes d'aujourd'hui sont les préjugés de demain.
- Un milieu élégant est celui où l'opinion de chacun est faite de l'opinion des autres. Est-elle faite du contre-pied de l'opinion des autres ? C'est un milieu littéraire.
Pensées de jeunesse
- Les maximes les plus profondes sont celles où la pensée semble la plus indépendante des mots et de leur aménagement.
Sodome et Gomorrhe
- [...] À cause de cet anachronisme qui empêche si souvent le calendrier des faits de coïncider avec celui des sentiments.
- À supposer qu'elle eût éprouvé du bonheur à passer les après-midi rien qu'avec moi, à Balbec, je savais qu'il ne se laisse jamais posséder complètement et qu'Albertine, encore à l'âge (que certains ne dépassent pas) où on n'a pas découvert que cette imperfection tient à celui qui éprouve le bonheur, non à celui qui le donne, eût pu être tentée de faire remonter à moi la cause de sa déception.
- C'est comme une chienne encore qu'elle commençait aussitôt à me caresser sans fin.
- C'est sans doute l'existence de notre corps, semblable pour nous à un vase où notre spiritualité serait enclose, qui nous induit à supposer que tous nos biens intérieurs, nos joies passées, toutes nos douleurs sont perpétuellement en notre possession.
- C'est souvent seulement par manque d'esprit créateur qu'on ne va pas assez loin dans la souffrance. Et la réalité la plus terrible donne, en même temps que la souffrance, la joie d'une belle découverte, parce qu'elle ne fait que donner une forme neuve et claire à ce que nous remâchions depuis longtemps sans nous en douter.
- C'était tout un état d'âme, tout un avenir d'existence qui avait pris devant moi la forme allégorique et fatale d'une jeune fille.
- Cela fait souvent de la peine de penser.
- Ceux qui baillent de fatigue après dix lignes d'un article médiocre avaient refait tous les ans le voyage de Bayreuth pour entendre la Tétralogie.
- Comme tous les gens qui ne sont pas amoureux, il s'imaginait qu'on choisit la personne qu'on aime après mille délibérations et d'après des qualités et convenances diverses.
- Dans l'attente, on souffre tant de l'absence de ce qu'on désire qu'on ne peut supporter une autre présence.
- Dans la fatigue la plus réelle il y a, surtout chez les gens nerveux, une part qui dépend de l'attention et qui ne se conserve que par la mémoire. On est subitement las dès qu'on craint de l'être, et pour se remettre de sa fatigue, il suffit de l'oublier.
- Il arrive que les gens, même ceux que nous aimons le mieux, se saturent de la tristesse ou de l'agacement qui émane de nous. Il y a pourtant quelque chose qui est capable d'un pouvoir d'exaspérer où n'atteindra jamais une personne : c'est un piano.
- Il est vrai que ces sons étaient si violents que, s'ils n'avaient pas été toujours repris une octave plus haut par une plainte parallèle, j'aurais pu croire qu'une personne en égorgeait une autre à côté de moi et qu'ensuite le meurtrier et sa victime ressuscitée prenaient un bain pour effacer les traces du crime. J'en conclus plus tard qu'il y a une chose aussi bruyante que la souffrance, c'est le plaisir.
- Il n'y a que les femmes qui ne savent pas s'habiller qui craignent la couleur. On peut être éclatante sans vulgarité et douce sans fadeur.
- Il n'y avait pas d'anormaux quand l'homosexualité était la norme.
- Il y a une chose plus difficile encore que de s'astreindre à un régime, c'est de ne pas l'imposer aux autres.
- J'aurais dû partir ce soir-là sans jamais la revoir. Je pressentais dès lors que, dans l'amour non partagé, autant dire dans l'amour, car il est des êtres pour qui il n'est pas d'amour partagé, on peut goûter du bonheur seulement ce simulacre qui m'en était donné à un de ces moments uniques dans lesquels la bonté d'une femme, ou son caprice, ou le hasard, appliquent sur nos désirs, en une coïncidence parfaite, les mêmes paroles, les mêmes actions, que si nous étions vraiment aimés. La sagesse eût été de considérer avec curiosité, de posséder avec délices cette petite parcelle de bonheur, à défaut de laquelle je serais mort sans avoir soupçonné ce qu'il peut être pour des cœurs moins difficiles ou plus favorisés; de supposer qu'elle faisait partie d'un bonheur vaste et durable qui m'apparaissait en ce point seulement; et, pour que le lendemain n'inflige pas un démenti à cette feinte, de ne pas chercher à demander une faveur de plus après celle qui n'avait été due qu'à l'artifice d'une minute d'exception. J'aurais dû quitter Balbec, m'enfermer dans la solitude, y rester en harmonie avec les dernières vibrations de la voix que j'avais su rendre un instant amoureuse, et de qui je n'aurais plus rien exigé que de ne pas s'adresser davantage à moi, de peur que, par une parole nouvelle qui n'eût pu désormais être que différente, elle vînt blesser d'une dissonance le silence sensitif où, comme grâce à quelque pédale, aurait pu survivre longtemps en moi la tonalité du bonheur.
- J'avais été depuis longtemps préparé à croire vrai ce que je craignais au lieu de ce que j'aurais souhaité.
- J'étais effrayé pourtant de penser que ce rêve avait eu la netteté de la connaissance. La connaissance aurait-elle, réciproquement, l'irréalité du rêve ?
- Je ne rentrais à Balbec qu'avec la première humidité matinale, seul cette fois, mais encore tout entouré de la présence de mon amie, gorgé d'une provision de baisers longue à épuiser.
- L'être que je serai après la mort n'a pas plus de raisons de se souvenir de l'homme que je suis depuis ma naissance que ce dernier ne se souvient de ce que j'ai été avant elle.
- L'habitude est une seconde nature, elle nous empêche de connaître la première dont elle n'a ni les cruautés, ni les enchantements.
- L'instinct d'imitation et l'absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules.
- Le mal seul fait remarquer et apprendre et permet de décomposer les mécanismes que sans cela on ne connaîtrait pas.
- Le moment était peut-être particulièrement bien choisi pour renoncer à une femme à qui aucune souffrance bien récente et bien vive ne m'obligeait de demander ce baume contre un mal, que possèdent celles qui l'ont causé.
- Le sommeil est comme un second appartement que nous aurions et où, délaissant le nôtre, nous serions allés dormir.
- Les charmes d'une personne sont une cause moins fréquente d'amour qu'une phrase du genre de celle-ci : Non, ce soir je ne serai pas libre ...
- Les hommes peuvent avoir plusieurs sortes de plaisirs. Le véritable est celui pour lequel ils quittent l'autre.
- Les images choisies par le souvenir sont aussi arbitraires, aussi étroites, aussi insaisissables, que celles que l'imagination avait formées et la réalité détruites.
- Les plaisirs qu'on a dans le sommeil, on ne les fait pas figurer dans le compte des plaisirs éprouvés au cours de l'existence. Pour ne faire allusion qu'au plus vulgairement sensuel de tous, qui de nous, au réveil, n'a ressenti quelque agacement d'avoir éprouvé, en dormant, un plaisir que, si l'on ne veut pas trop se fatiguer, on ne peut plus, une fois réveillé, renouveler indéfiniment ce jour-là ?
- Même au milieu d'un chagrin encore vif, le désir physique renaît.
- Nous devions nous aimer tout de même pour avoir passé la nuit à nous embrasser.
- On peut quelquefois retrouver un être mais non abolir le temps.
- On prétend que le liquide salé qu'est notre sang n'est que la survivance intérieure de l'élément marin primitif.
- On serait à jamais guéri du romanesque si l'on voulait, pour penser à celle qu'on aime, tâcher d'être celui qu'on sera quand on ne l'aimera plus.
- Pendant quelques minutes, je sentis qu'on peut être près de la personne qu'on aime et cependant ne pas l'avoir avec soi.
- [...] Penser que Mme Bovary et la Sanseverina m'eussent peut-être semblé des êtres pareils aux autres si je les eusse rencontrées ailleurs que dans l'atmosphère close d'un roman.
- Peut-être chaque soir acceptons-nous le risque de vivre, en dormant, des souffrances que nous considérons comme nulles et non avenues parce qu'elle seront ressenties au cours d'un sommeil que nous croyons sans conscience.
- Toute action de l'esprit est aisée si elle n'est pas soumise au réel.
- Un peu d'albumine, de sucre, d'arythmie cardiaque, n'empêche pas la vie de continuer normale pour celui qui ne s'en aperçoit même pas, alors que seul le médecin y voit la prophétie de catastrophes.
- Une des jeunes filles que je connaissais se mit au piano, et Andrée demanda à Albertine de valser avec elle. Heureux, dans ce petit casino, de penser que j'allais rester avec ces jeunes filles, je fis remarquer à Cottard comme elles dansaient bien. Mais lui, du point de vue spécial du médecin, et avec une mauvaise éducation qui ne tenait pas compte de ce que je connaissais ces jeunes filles, à qui il avait pourtant dû me voir dire bonjour, me répondit : « Oui, mais les parents sont bien imprudents qui laissent leurs filles prendre de pareilles habitudes. Je ne permettrais certainement pas aux miennes de venir ici. Sont-elles jolies au moins? Je ne distingue pas leurs traits. Tenez, regardez, ajouta-t-il en me montrant Albertine et Andrée qui valsaient lentement, serrées l'une contre l'autre, j'ai oublié mon lorgnon et je ne vois pas bien, mais elles sont certainement au comble de la jouissance. On ne sait pas assez que c'est surtout par les seins que les femmes l'éprouvent. Et, voyez, les leurs se touchent complètement. »
- Une parole de celle que nous aimons ne se conserve pas longtemps dans sa pureté; elle se gâte, se pourrit.
- Une religion parle d'immortalité, mais entend par là quelque chose qui n'exclut pas le néant.
Sur la lecture
- C'est là en effet un des grands et merveilleux caractères des beaux livres que pour l'auteur ils pourraient s'appeler « Conclusions » et pour le lecteur « Incitations ».
- De ce que les hommes médiocres sont souvent travailleurs et les intelligents souvent paresseux, on n'en peut pas conclure que le travail n'est pas pour l'esprit une meilleure discipline que la paresse.
- Il semble que le goût des livres croisse avec l'intelligence, un peu au-dessous d'elle, mais sur la même tige, comme toute passion s'accompagne d'une prédilection pour ce qui entoure son objet, a du rapport avec lui, dans l'absence lui en parle encore.
- [...] La lecture est une amitié.
- La lecture est au seuil de la vie spirituelle ; elle peut nous y introduire : elle ne la constitue pas.
- La puissance de notre sensibilité et de notre intelligence, nous ne pouvons la développer qu'en nous-mêmes, dans les profondeurs de notre vie spirituelle. Mais c'est dans ce contrat avec les autres esprits qu'est la lecture, que se fait l'éducation des « façons » de l'esprit.
- On aime toujours un peu à sortir de soi, à voyager, quand on lit.
- Tant que la lecture est pour nous l'initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n'aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire.
Média
Entrevue dans Le Temps (journal, 1912)
- Ce que nous n'avons pas eu à éclaircir nous-mêmes, ce qui était clair avant nous (par exemple des idées logiques) cela n'est pas vraiment nôtre, nous ne savons même pas si c'est le réel.
- Je crois que ce n'est guère qu'aux souvenirs involontaires que l'artiste devrait demander la matière première de son œuvre.
- Le style n'est jamais un enjolivement, comme croient certaines personnes, ce n'est même pas une question de technique, c'est - comme la couleur chez les peintres - une qualité de la vision, la révélation de l'univers particulier que chacun de nous voit, et que ne voient pas les autres. Le plaisir que nous donne un artiste, c'est de nous faire connaître un univers de plus.
- Vous savez qu'il y a une géométrie plane et une géométrie dans l'espace.
Eh bien, pour moi, le roman, ce n'est pas seulement de la psychologie plane mais de la psychologie dans le temps. Cette substance invisible du temps, j'ai taché de l'isoler, mais pour cela il fallait que l'expérience pût durer.
Correspondances
Lettres
- Souvent, vous le savez, on dit d'un grand artiste : à côté de son génie, c'était une vieille bête qui avait les idées les plus étroites.
Attribuées
- Dans la fatigue la plus réelle il y a, surtout chez les gens nerveux, une part qui dépend de l'attention et qui ne se conserve que par la mémoire. On est subitement las dès qu'on craint de l'être, et pour se remettre de sa fatigue, il suffit de l'oublier.
- Il n'y a pas de réussite facile ni d'échecs définitifs.
- Il semble que le goût des livres croisse avec l'intelligence.
- L'absence n'est-elle pas, pour qui aime, la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ?
- L'ambition enivre plus que la gloire.
- L'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au cœur.
- L'érudition est une fuite loin de notre propre vie que nous n'avons pas le courage de regarder en face.
- L'été se marque non moins par ses mouches et moustiques que par ses roses et ses nuits d'étoiles...
- La difficulté pour les célibataires c'est de déshabiller les femmes, pour les maris c'est de les habiller.
- La maladie est le plus écouté des médecins : à la bonté, au savoir on ne fait que promettre ; on obéit à la souffrance.
- Le nez est généralement l'organe où s'étale le plus aisément la bêtise.
- Le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses.
- Le plaisir de l'habitude est souvent plus doux encore que celui de la nouveauté.
- Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.
- Les gens du monde ont tellement l'habitude qu'on les recherche que, qui les fuit, leur semble un phénix et accapare leur attention.
- Les hommes peuvent avoir plusieurs sortes de plaisirs. Le véritable est celui pour lequel ils quittent l'autre.
- Les jours sont peut-être égaux pour une horloge, mais pas pour un homme.
- Les paradoxes d'aujourd'hui sont les préjugés de demain.
- On refuse dédaigneusement, à cause de ce qu'on aime aujourd'hui, de voir ce qu'on aimera demain.
- Rien n'est plus différent de l'amour que l'idée que nous nous en faisons.
À propos
- Il faut une force de caractère inouïe pour rester enfermé, comme Proust, 15 ans dans une chambre en essayant de rester lucide sur soi-même. ~ Alexandre Moix, Le Mague (30 Décembre 2004)