Citations - Marcel Conche
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Marcel Conche (1922 - ), philosophe français.
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Œuvres
Le sens de la philosophie
- « Athée » ne suis-je même pas, car je ne prononce pas le mot «Dieu», fut-ce pour le dire sans objet.
- Au sein de l'énormité du temps et de l'espace, en un point de la nature infinie, ou peut-être infiniment infinie, comme le veut Spinoza, l'homme a le sentiment de l'englobant et du sans-bornes comme d'un mystère insondable contre lequel bute la raison.
- Car autant le sacré, de par son essence numineuse, est de soi troublant, inquiétant, aquoique fascinant, autant la religion est apaisante, calmante. Le sacré émeut, déconcerte, annihile la créature; la religion sauve l'individu de son néant, lui ôte l'inquiétude essentielle et, sous réserve de sa foi, de sa confiance, de sa bonne volonté, lui rend l'être et la paix en lui traçant un chemin à suivre pour aboutir au bonheur. La science moderne qui n'est plus assujettie à la philosophie, n'a pas en vue la vérité pour elle-même, mais comme moyen pour soumettre et dominer; elle est au service de la puissance. La religion n'a pas non plus en vue la vérité pour elle-même, mais comme moyen de salut. Seule la philosophie a en vue la vérité pour elle-même, au risque de la souffrance, peut-être du désespoir. Or, la vérité, qui est le tout de la réalité, enveloppe aussi bien le rationnel que l'irrationnel. La philosophie a donc affaire à de l'irrationnel. Cet irrationnel n'est pas le sacré, lequel suppose l'expérience religieuse et l'ouverture au surnaturel, mais le démonique. Certes, la philosophie est l'œuvre de la raison, «du bon sens», comme dit Descartes. Mais, au contraire de la raison scientifique qui passe à côté du merveilleux et du mystère sans le voir, la raison philosophique reconnaît, identifie l'irrationnel, le merveilleux, le mystère.
- La philosophie n'a donc pas en vue le bonheur. Elle a en vue la seule vérité. Or, il est très possible que la vérité soit douloureuse, soit pénible, soit destructrice du bonheur ou le rende impossible. La religion, à la différence de la philosophie, est sous la catégorie de l'utile. Elle promet le bonheur et dit ce qu'il faut faire et ce qu'il faut être pour mériter ou pour l'obtenir. Dès lors, l'illusion est plus importante que la vérité si elle procure le bonheur.
- On voit, par exemple, les théistes donner plusieurs « preuves » de l'existence de Dieu, qui ne sont en réalité que des arguments, car, si « preuve » il y avait, une seule suffirait; ...
- Vous dites croire que Dieu est, ou qu'il n'est pas, que l'âme est immortelle, ou ne l'est pas : seriez-vous prêts à mettre en jeu vos biens, ou mieux votre santé, étant entendu, par exemple, que si vous vous trompiez, vous auriez un cancer généralisé? Une telle supposition, aquoique purement fictive, suffit à faire apparaître le peu de solidité d'une croyance.
Orientation philosophique
- Je dois refuser d'admettre la possibilité de la légitimité du supplice des enfants. Or croire en l'existence d'un Dieu créateur du monde serait admettre la possibilité de cette légitimité. Ainsi, d'un point de vue moral, je n'ai pas le droit de croire, je ne puis croire en Dieu. Il est donc moralement nécessaire de nier l'existence de Dieu. [...] Il est indubitable, en effet, que le supplice des enfants a été et ne devait pas être, et que Dieu pouvait faire qu'il ne soit pas. Comme Dieu ne s'est pas manifesté dans des circonstances où, moralement, il l'aurait dû, s'il existait, il serait coupable. La notion d'un Dieu coupable et méchant apparaissant contradictoire, il faut conclure que Dieu n'est pas.
Attribuées
- Le pouvoir que Max Weber nomme «charismatique», est un pouvoir d'ensorcellement. Il suppose que l'on ait foi en la personne d'un prophète, d'un chef, d'un grand démagogue. Que l'on puisse employer ici le mot « foi » montre l'analogie avec le domaine religieux. La crainte révérencieuse, la confiance, la fascination sont les éléments d'une attitude foncièrement irrationnelle. Et de même que le croyant en Dieu est imperméable aux arguments que l'on peut dresser contre la religion, de même l'individu ensorcelé par le prophète ou le chef n'est capable d'écouter rien d'autre.