Citations - Hans Aebli

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Hans Aebli (1923 - 1990), pédagogue suisse.

Sommaire

Œuvres

Didactique psychologique (1951)

  • Après la période de recherche libre, les résultats doivent toujours être rapportés par les équipes et les travailleurs individuels, et c’est alors que le maître a l’occasion d’intervenir en corrigeant les données trouvées et en les complétant. Ces mises au point collectives et contrôlées par le maître ont une grande importance du fait que les élèves faibles ou peu intéressés au travail n’ont souvent pas abouti au résultat voulu au cours de la recherche libre. Le compte rendu de leurs camarades, de même que la contribution du maître, les aident alors à rattraper leurs camarades.
  • Chez le jeune enfant, l’action prédomine sur la réflexion. Il ne s’intéresse pas aux rapports entre les choses comme tels, mais aux résultats concrets de son action. Au cours du développement, l’élément cognitif devient cependant de plus en plus important dans l’activité de l’enfant. La réflexion tend vers une organisation logique toujours plus systématique et cohérente. Sa validation, par la réussite ou l’échec, de son application pratique se mue en une vérification par des épreuves et des expériences appropriées. Un système de symboles plus riche et plus mobile permet des généralisations plus vastes. Au terme de ce développement de la pensée se trouvent les systèmes intellectuels cohérents et vérifiés que représentent les sciences.
  • Comment une unité didactique avec recherche personnelle de l’élève se déroule-t-elle dans la pratique scolaire ? Elle prend son point de départ, nous l’avons vu, dans un problème d’action pratique qui peut se 2 poser ou bien au cours des activités réelles poursuivies au jardin scolaire, à l’atelier, etc., ou bien au cours des activités scolaires ordinaires (problème fictif d’action pratique). La discussion du problème se passe en commun jusqu’à ce qu’il soit clair et vivant dans l’esprit des élèves. Ceux-ci s’engagent ensuite dans la recherche.
  • Dans la mesure du possible, il faut donner à l’élève l’occasion d’exécuter matériellement les opérations au cours de ses essais et tâtonnements.
  • Dès que la distance à parcourir entre les schèmes antérieurs et la nouvelle opération dépasse une certaine limite, la classe se perd au cours de la recherche. D’où la règle à appliquer à l’établissement des problèmes de recherche : réduire l’ampleur du problème assez pour permettre à la classe de trouver elle-même la solution, sans pourtant dépasser la limite des problèmes significatifs.
  • La pensée est ainsi vue dans un contexte d’action. L’étroite relation existant entre ces deux formes d’activité se manifeste au début et au terme de l’acte de réflexion. L’homme est incité à réfléchir lorsqu’en exerçant une activité il rencontre une difficulté, lorsqu’un doute ou une alternative surgit devant lui.
  • La psychologie de Jean Piaget nous apprend en effet qu’un problème constitue un « schème anticipateur » , c’est-à-dire une esquisse schématique d’une opération à trouver, solidaire d’un système d’ensemble d’opérations. Au cours de la recherche, celle-ci se structure alors et acquiert ses articulations précises.
  • La tâche du maître consiste alors à créer des situations psychologiques telles que l’enfant puisse construire les opérations qu’il doit acquérir. Il doit faire appel aux schèmes antérieurs dont dispose l’enfant et à partir de ceux-ci développer la nouvelle opération.
  • La tentative de diriger directement la formation des notions chez l’enfant ne peut pas aboutir à des résultats satisfaisants. Il faut que nous lui laissions une plus grande liberté pour développer sa pensée. Ce postulat est réalisé lorsque l’élève est conduit à construire ses notions et opérations au cours d’une recherche personnelle. La recherche est, en effet, cette activité de l’esprit qui cherche à construire une nouvelle réaction. Le premier problème didactique que nous ayons à résoudre sera par conséquent de préciser comment la recherche de l’enfant peut être provoquée, puis orientée vers son but.
  • Le problème servant de base à la recherche libre de l’élève doit avoir une ampleur telle qu’il anticipe une opération significative, et ne soit pas simplement un acte de pensée partiel dont le maître est seul à connaître le rôle dans l’ensemble du raisonnement, l’élève répondant « à crédit », avec l’espoir qu’il en résultera bien quelque chose de significatif.
  • Poser un problème de façon claire et vivante est ainsi la condition sine qua non de la recherche personnelle de l’élève.
  • Quel avantage y a-t-il à poser le problème sur le plan pratique ? L’exemple de la comparaison du « rendement d’herbe » de deux champs permet une première constatation. Souvent le maître n’a pas d’autre possibilité de se faire comprendre que de poser ainsi le problème. L’enfant n’ayant pas encore formé la nouvelle notion, il ne comprendrait simplement pas l’énoncé abstrait du problème, exigeant par exemple une « comparaison de surfaces ». On a avantage à poser le problème sur le plan pratique même si l’enseignement antérieur a élaboré les notions nécessaires à le poser en termes généraux. De cette manière, on donne une chance à tous ceux des élèves qui ont mal assimilé les notions scolaires antérieures et qui seraient incapables de suivre le nouveau développement si l’on ne faisait appel qu’aux 1 termes spéciaux et généraux. En deuxième lieu, poser les problèmes en termes pratiques permet d’éviter l’emploi, au début d’une unité d’enseignement, d’un symbolisme spécial. La première mesure de surface ne sera pas le « m2 », mais simplement un petit pré qu’on reportera sur les surfaces à comparer (sur un plan), le périmètre sera la palissade du jardin ou le cadre d’un tableau, etc. Le terme scientifique spécial ne remplacera que progressivement les expressions concrètes, inventées par les enfants eux-mêmes. En troisième lieu, poser les problèmes sous forme de projets d’action pratique établit d’emblée les rapports entre l’opération nouvelle et ses domaines d’application dans l’existence quotidienne. De ce fait, l’enfant voit la part qu’il peut en tirer, et l’intérêt que suscitent chez lui les choses de la vie pratique est transféré sur le problème scolaire. Nous n’avons pas besoin de souligner combien l’intérêt de l’élève contribue à la formation de sa pensée.
  • Qui dit formation de la pensée, dit formation d’opérations, et qui dit formation d’opérations, dit construction d’opérations. La construction des opérations se fait au cours de la recherche, et toute recherche part d’un problème.
  • Si donc l’on se propose d’amener les élèves à découvrir par une recherche personnelle l’ensemble d’un système d’opérations et pas seulement les opérations partielles de ce système, il faut orienter l’activité en posant soigneusement le problème.
  • Si donc nous nous proposons de faire saisir à l’enfant non seulement tous les éléments partiels, mais aussi la structure d’ensemble d’un complexe opératoire, il ne suffit pas que nous provoquions chez lui tous les pas particuliers du raisonnement. L’enfant doit être amené à établir les rapports principaux qui régissent un complexe d’opérations et à y insérer les opérations partielles. Il faut donc donner à la recherche un cadre qui dès le début oriente son organisation d’ensemble et confère une signification à toutes les démarches entreprises au cours de sa mise en œuvre. Or, cet agent directeur de la recherche ne peut être constitué par rien d’autre que par un problème bien vivant dans la pensée de l’élève.
  • Si en posant le problème on ne fait pas appel à des schèmes dont l’élève dispose avec facilité, si les données de départ ne sont pas suffisantes, la recherche n’aboutit simplement pas aux résultats attendus, on perd du temps et certains élèves renoncent même à tout effort.
  • Si l’on parvient ainsi à amener l’enfant à construire une opération à partir d’un problème clairement conçu, on peut supposer qu’il a compris non seulement tous les éléments du nouvel acte intellectuel, mais encore sa structure d’ensemble.
  • Tout acte intellectuel est construit progressivement à partir de réactions antérieures et plus primitives. Chaque opération a son histoire. Tout au long de la genèse de la pensée enfantine, on peut observer comment les opérations se différencient peu à peu à partir de schèmes d’action élémentaires pour former des systèmes toujours plus complexes et plus mobiles, capables de saisir finalement l’univers entier. La tâche du maître consiste alors à créer des situations psychologiques telles que l’enfant puisse construire les opérations qu’il doit acquérir. Il doit faire appel aux schèmes antérieurs dont dispose l’enfant et à partir de ceux-ci développer la nouvelle opération. Il doit présenter le matériel adéquat nécessaire à cette activité intellectuelle et veiller à ce que la recherche de l’opération nouvelle soit orientée dans la direction voulue.
  • Un problème, ayant pour objet la mise en œuvre ou la découverte d’une opération, est toujours un projet d’action, réalisable par des manipulations effectives, soit avec des objets concrets, soit à l’aide de dessins sur lesquels l’élève exécute des transformations, partitions, reports, etc.

Grundformen des Lehrens (1961)

  • Appréhender un événement, c’est l’exprimer par des opérations de pensée ; comprendre un événement, c’est saisir la construction de ces opérations de pensée. Si je distingue comment s’agencent les éléments de l’échafaudage logique qui exprime l’événement, quels liens ont entre eux les éléments, comment ils forment un tout, alors j’ai aussi compris comment l’événement se compose de ses différentes parties, comment celles-ci forment l’événement complet et comment, dans cet événement complet, chaque événement partiel trouve sa place.
  • L’enseignant voit l’élève en face du nouvel objet. Il sait ce que celui-ci permet de constater. Mais pas seulement ça. En tant que pédagogue, il sait aussi de quelle façon l’élève peut gagner ces connaissances par lui-même. Par conséquent, il ne lui transmettra pas un résultat fini, mais le guidera dans les actes d’acquisition de la connaissance dont il sait qu’ils l’amèneront au résultat souhaité.

Die geistige Entwicklung als Funktion von Anlage, Reifung, Umwelt- und Erziehungsbedingungen (1968)

  • L’école doit toujours être consciente du fait qu’on &laquo apprend pour la vie » et que, par conséquent, les performances qui comptent sont celles que l’être humain réalise dans la réalité extrascolaire.
  • Les enseignants de tous niveaux devraient avoir une connaissance précise des conditions psychologiques du comportement et de l’apprentissage. Dans ce contexte, la psychologie des comportements cognitifs, la théorie des processus d’apprentissage et de la motivation des performances et de l’apprentissage, ainsi que la théorie et la pratique de l’évaluation des performances s’avèrent particulièrement importantes.

Über den Egozentrismus des Kindes (1969)

  • Les processus de construction ne se produisent pas spontanément. Ils ont besoin d’être provoqués et dirigés par des êtres humains qui connaissent le produit final et savent y conduire.

Piaget, and beyond ou Die erziehungswissenschaftlichen Fächer in der Lehrerbildung (1970)

  • Car l’engagement de l’élève dépend en grande partie de l’intérêt qu’il porte à la matière et de la sympathie qu’il éprouve pour l’enseignant. Plus encore : derrière ces processus subtils de prise de contact et d’éveil de l’intérêt se cachent, aussi bien chez l’enseignant que chez l’élève, des critères inhérents au style de vie et de pensée, au jugement et à l’attitude face aux éléments constitutifs de notre culture, qu’elle soit scolaire ou extrascolaire. Plus le sentiment de communauté est fort, plus le contact sera facile.
  • L’entier du processus d’apprentissage cognitif et du développement cognitif est donc à considérer comme la répétition continuelle du processus de mise en relation et de consolidation, puis d’une nouvelle mise en relation et consolidation. De cette façon sont engendrées des "hiérarchies" notionnelles et opératoires.
  • Pour former et développer leur personnalité, les enfants et les adolescents ont besoin d’éducation et de formation. Il est donc de notre devoir de créer des écoles et d’y faire venir des enseignants désireux et capables d’affronter cette tâche et de travailler à la recherche de solutions.

(1973)

  • L’école manque de situations sérieuses : elle est artificielle dans la mesure où, dans son cadre, un enseignant est confronté à vingt élèves ne poursuivant pas une action ou une expérience commune.
  • La formation n’a pas lieu en vase clos, mais bien concrètement dans une société donnée, et son sens est l’intégration dans cette société et la transmission de sa culture. Une culture de laquelle la valorisation de la créativité et de l’esprit d’innovation participent aussi.
  • Pour l’enseignant et l’enseignante, il s’agit d’apporter de la matière (et d’en être soi-même le garant) pour franchir une étape avec l’élève, l’aider à effectuer quelques pas dans son développement. Pour cela, il doit avoir une intention claire. Autrement, il lui sera difficile d’entrer en classe devant des jeunes et de garder la tête haute.

Lehrerbildung von morgen. Grundlagen, Strukturen, Inhalte (1975)

  • La bonne théorie est pratique.

Grundformen des Lehrens. Eine Allgemeine Didaktik auf kognitionspsychologischer Grundlage (1976)

  • On peut aussi éduquer sans sciences de l’éducation : les innombrables générations de parents qui ont éduqué leurs enfants avec succès par le passé et qui continuent à le faire l’ont prouvé. Si l’éducation dépendait des théories des sciences de l’éducation, l’humanité aurait disparu bien avant que le premier pédagogue ait pris la plume. De même, on peut très bien transmettre des techniques complexes sans la moindre théorie pédagogique. Tous les maîtres d’apprentissage qui ont su former des apprentis par le passé et le font aujourd’hui encore avec succès le prouvent.

Von Piagets Entwicklungspsychologie zur Theorie der kognitiven Sozialisation (1978)

  • Toute l’évolution des bases du comportement et du savoir d’un être humain apparaît comme un gigantesque processus de construction avec des phases intercalaires de différenciation. Les processus les plus importants sont la mise en relation et l’objectivation : la mise en relation crée des structures de plus en plus complexes, que l’objectivation concentre ensuite en éléments prêts à être réutilisés dans des contextes plus larges.

Denken: das Ordnen des Tuns. Bd. 1: Kognitive Aspekte der Handlungstheorie (1980)

  • Il n’est pas fatal que les élèves suivent l’enseignement avec ennui et indifférence. Il est possible de les intéresser sans recourir à la pression des examens et des notes et sans brandir la menace d’une expulsion de l’école et de l’anéantissement de leur avenir. […] On me demandera comment cela est possible. Il n’existe malheureusement pas de recette simple pour éveiller l’intérêt intrinsèque des élèves. Celui-ci est une plante fragile qui doit être cultivée avec patience. Il exige que l’enseignement satisfasse les besoins profonds de l’élève en matière de compréhension et de résolution de problèmes, mais aussi sa curiosité et sa soif d’apprendre. Il est également indispensable que l’enseignant fasse lui-même preuve de cet intérêt ; l’élève est parfaitement capable de juger de l’intérêt de l’enseignant pour sa matière et de son engagement 12 en cours. Enfin, il faut que l’élève connaisse le succès dans son activité d’apprenant et y gagne confiance et espoir de réussite [...]. Si nous ne transmettons à l’élève que des expériences de ratages et d’échecs, nous ne devons pas nous étonner que sa motivation diminue. Pour cela, il faut faire attention à deux choses : d’une part, à planifier les leçons de telle façon que l’élève se rende immédiatement compte de ses progrès (la simple évocation de leur nécessité « pour la vie » ne sert à rien ici) ; d’autre part, à regarder l’élève durant la leçon, à le voir vraiment et à essayer de sentir à chaque instant s’il est en mesure de suivre, s’il parvient à un résultat au cours de sa tentative de résoudre le problème qui lui est posé.
  • Nous voyons dans l’action un effort d’ordre et de structure, soutenu par la pensée pure. Ainsi, l’action vise un but de transparence et d’ordre. Cette aspiration motive l’acteur et le penseur, car là où il y a de l’ordre, il y a de la vie ; la confusion et le chaos signifient la mort.

Denken: das Ordnen des Tuns. Bd. 2: Denkprozesse (1981)

  • L’être humain qui pense et apprend n’est pas un Robinson ; il n’est pas non plus un protestant à la Max Weber, qui se retire dans la solitude pour comparaître devant Dieu. Il peut compter sur l’aide des hommes qui en savent plus que lui. Dans mon passé protestant, rationaliste et libéral, j’ai vu tant de recherches et de travaux solitaires que l’idée, présente dans la pensée et la philosophie moyenâgeuse et catholique, de la nécessité de recevoir aide et soutien, de même que celle d’une autorité capable d’aider et de soutenir, et de plus disposée à le faire, me sont apparues un jour comme des correctifs indispensables du projet de Rousseau visant à penser, chercher et inventer par soi-même.
  • Le réel est la structure, la matière est une structure d’ordre inférieur. L’être est structuré. Il a une forme. La réalité est l’ordre. Le chaos n’est rien. Créer, c’est mettre de l’ordre : séparer et assembler. C’est pourquoi penser veut dire créer de l’existence. Quand nous pensons, nous accédons au souffle créateur divin. La réalité construite est une part de réalité qui n’existait pas auparavant. Il est donc manifeste que je ne défends pas un rationalisme sans profondeur. Mettre en relation, mettre de l’ordre ne signifie pas seulement grouper et opérer en fonction de critères superficiels et intellectuels. Toute vie est ordre : l’organique et la spirituelle. J’accepte la thèse de Piaget qui postule la continuité entre la vie spirituelle et la vie biologique. L’ordre se construit progressivement. La raison ne rencontre pas la matière « d’en haut ». La raison, c’est l’ordre à tous les échelons.

(1982)

  • L’idée très répandue que celui qui maîtrise une matière est aussi capable de l’enseigner est absurde.

Zwölf Grundformen des Lehrens. Eine Allgemeine Didaktik auf psychologischer Grundlage (1983)

  • Ainsi, nous voyons qu’une part essentielle du développement apparemment spontané de l’enfant est stimulée et conduite par l’interaction quotidienne avec les adultes. Si cette stimulation manque, l’enfant développe des symptômes de déprivation culturelle, et son développement en souffre. Entre les effets éducationnels au sein de la famille et à l’école, il n’y a que des différences d’intensité. Le déclenchement et la conduite des processus d’apprentissage sont plus systématiques à l’école que dans la famille et dans le quotidien extrascolaire. L’apprentissage scolaire avance rapidement, mais au prix de nombreux risques. Trop souvent, les résultats restent du domaine théorique, sans réel ancrage dans le comportement, et la consolidation par des exercices variés et la pratique reste lettre morte. C’est pourquoi les réflexes appris en classe s’affaiblissent parfois rapidement. Les résultats de l’apprentissage quotidien, en revanche, sont entraînés et mis en pratique des milliers de fois, et par conséquent ancrés profondément dans le comportement général. Toutefois, ils sont souvent acquis de façon isolée et peu systématique.
  • L’école transmet un savoir qui sert directement ou indirectement à la résolution des problèmes quotidiens et donne à l’homme une image de la réalité ; elle développe des intérêts et des valeurs qui l’aident à mettre de l’ordre dans son comportement et à le définir. Les schèmes d’action, les opérations et les notions, ainsi que le savoir sur le monde auquel ils se rattachent, ont exactement cette fonction, d’une part dans le domaine cognitif, d’autre part dans le domaine des intérêts et des motivations, dès que leurs structures acquièrent une valeur et deviennent intrinsèquement intéressantes.
  • La formation doit rendre l’être humain cultivé. Celui-ci l’est s’il dispose de schèmes d’action, de modes opératoires et de notions qui le rendent capable de s’orienter dans le monde, d’interpréter les événements dont il est le témoin, de participer aux échanges culturels également par la lecture et l’écriture, et de résoudre les problèmes qui se posent à lui.
  • Les opérations de réflexion se développent à partir de l’action. Nous avons élargi cette thèse de la psychologie du développement à la théorie de l’apprentissage et à la didactique : les processus d’apprentissage doivent toujours être introduits par l’action. Il est possible de dégager les structures de base d’une expérience notionnelle dans l’action déjà. Par la suite, on visera à l’intériorisation et à la systématisation progressives, ainsi qu’à la codification linguistique de ce qu’on a acquis dans un premier temps par l’action. La notion est la contrepartie théorique du schème d’action. Elle est objectivée par le signe langagier, alors que l’action est objectivée par son résultat concret. Les deux ont toutefois en commun leur structure hiérarchique.
  • Les structures sont construites. A la construction du produit fini appartient le processus de construction qui le génère. Notre structuralisme est constructif.
  • Nous considérons l’action comme la forme première de la constitution de l’expérience, et le savoir relatif à l’action comme la forme première du savoir de l’être humain. On peut donc définir notre psychologie et la didactique qui lui est liée comme pragmatique, ou proche d’un certain pragmatisme. Car la thèse principale des philosophes et pédagogues pragmatiques William James (1907) et John Dewey (1916) était que la vie intellectuelle commence par l’action, que sa vérité est la vérité de la vérification dans la pratique, et qu’en fin de compte elle est censée la servir.
  • Nous sommes d’avis que tous les nouveaux contenus de la vie intellectuelle découlent d’une construction à partir d’éléments plus simples.
  • Nous suivons Selz, qui a déclaré au début du siècle déjà [...] que la pensée humaine était organisée en « états de choses ». Nous en faisons un postulat méthodologique fondamental : les structures de pensée doivent être décrites comme des notions relatives aux choses.
  • On remarque que ce mode d’éducation prend très au sérieux la culture et la société dans lesquelles grandit l’enfant et évolue, de même que la langue dans laquelle sont formulées les expériences communes. Il n’est pas possible pour l’enfant d’atteindre l’âge adulte et la maturité sans l’aide pédagogique de personnes qui lui indiquent d’une façon adulte et mature des modes d’action et de pensée, des orientations et des règles, et l’aident à construire les règles correspondantes dans son propre mode de pensée, d’action et de vie. Le laisser grandir ne constitue pas une alternative.
  • Un enseignement scolaire bien compris livre à l’être humain un répertoire de moyens d’action et de réflexion, à l’aide desquels il maîtrise des problèmes et des situations qui autrement le laisseraient perplexe et désorienté. […] Nous l’avons toujours dit : l’enseignant doit intérioriser l’idée que les schèmes d’action, les opérations et les notions sont des instruments permettant de résoudre de nouveaux problèmes. L’acquisition du savoir n’est pas un « ameublement de l’esprit », ses contenus ne doivent pas être considérés comme statiques. Le savoir est avant tout un outil.

Interview in « Beiträge zur Lehrerbildung »: « Wo ein guter Lehrer am Werk ist, wird die Welt ein bisschen besser »

  • Le but ultime de l’école et de l’enseignement est que les élèves acquièrent l’envie et la compétence de continuer à apprendre de façon autonome, que l’apprentissage ne relève plus seulement de l’enseignant, mais constitue un but librement choisi et approuvé.
  • Où un bon enseignant est à l’œuvre, le monde devient un peu meilleur.

Das operative Prinzip (1985)

  • C’est un mode de vie, et si tout se passe bien, l’enseignant réalise que toutes les expériences de base de l’homme en relation avec le monde et avec ses contemporains se reflètent dans son activité.
  • De telles réflexions, il ressort que pour nous théoriciens de l’éducation […], il faut voir le rôle dérivé de la théorie par rapport à l’action pratique, et ceci non seulement dans le principe, de manière ontologique, mais aussi dans la perspective de la formation des enseignants, donc sur un plan universitaire et métadidactique, comme base de réflexion pour la didactique de la didactique.
  • Tout comme les vétérinaires, notaires, etc., les enseignants savent faire quelque chose : enseigner, et cet art ne devrait pas être minimisé. Observer un bon enseignant au travail est une chose tout aussi belle que de regarder un luthier exercer son art.
  • Un éducateur doit être une personne accomplie, une personne intéressante, attrayante et bonne, une 5 personne possédant une certaine aura et une force de persuasion naturelle.

Sind Regeln des Problemlösens lehrbar? (1986)

  • Ce qu’on appelle communément l’évolution naturelle n’est pas le produit de la maturité. Elle est le produit d’un apprentissage quotidien. Elle est par conséquent fortement tributaire de l’offre que l’enfant trouve dans son environnement culturel, dans son « stock de culture ». Cela ne signifie pas que l’on peut enseigner à l’enfant n’importe quoi à n’importe quel âge, ni que son degré de maturité ne joue aucun rôle au cours de cette évolution. Mais cela veut dire que toute évolution d’une certaine importance des performances intellectuelles doit être réalisée par l’apprentissage, et que l’enfant doit trouver pour cela les occasions nécessaires dans son environnement culturel et humain.
  • Dans Democracy and Education (1916), John Dewey a donné mandat à l’école de façonner l’expérience de la génération à venir dans un monde simplifié et équilibré socialement, car l’expérience ne peut pas &laquol; être transmise ». Pour l’enseignement, cela signifie encourager les élèves à réaliser des expériences personnelles plutôt que de leur transmettre des théories.
  • La liberté de l’enfant et de l’adolescent doit augmenter avec sa compétence à se diriger lui-même et à assumer des responsabilités. Cela exige un examen attentif et un jugement bienveillant, mais réaliste de ses possibilités, à chaque étape et dans chaque domaine de comportement.
  • Les aptitudes ouvrent des possibilités, l’environnement et l’éducation doivent les exploiter.

Zwei Wege zum Wissen. Abschiedsvorlesung (1988)

  • De façon idéale, nous apprenons à connaître une partie de la réalité par une action adaptée et par la résolution de vrais problèmes. Nous n’avons pas tout de suite une vue d’ensemble. Nous devons bien au contraire nous battre avec les différentes approches, les maîtriser pas à pas. Mais leur résistance nous permet d’évoluer. Ce n’est pas une observation de haut en bas, ni un discours plein d’esprit sur un sujet. Nous cherchons notre chemin sur un terrain difficile. […] Nous ne sommes pas obligés de nous arrêter à la contemplation. Nous pouvons nous fixer de nouveaux buts dans une réalité que nous connaissons mieux désormais, de nouveaux buts d’action et de connaissance. C’est ainsi que s’étend le système. Notre image du monde s’en trouve à la fois élargie et approfondie. Le système que nous maîtrisons devient une plateforme pour de nouvelles actions et de nouvelles résolutions de problèmes.
  • L’apprenant qui a résolu un problème théorique ou pratique dispose d’un schème qui le rend maintenant capable de résoudre des problèmes semblables de façon plus rapide et plus sûre. Son savoir est donc tout autant une compétence : il est capable de résoudre un problème, de construire une œuvre.
  • L’être humain n’est pas seulement un observateur de la réalité, il est un homo faber. Les enfants et les adolescents, mais aussi les adultes, ne souhaitent pas seulement voir et comprendre, ils aimeraient entreprendre. Au-delà du calme penchant à l’observation, ils ont de forts penchants à l’action, et cela non pas sur un mode ludique et aimable, proche de la contemplation, mais dans l’optique d’affronter des problèmes et de projeter des actions ambitieuses, risquées, oscillant sans cesse entre le succès et l’échec. Dewey a décrit cela de façon saisissante pour les psychologues dans How We Think en 1919 déjà, puis six ans plus tard sous forme de mise en pratique pédagogique dans Democracy and Education.

Weisheit: auch ein Ordnen des Tuns? (1989)

  • L’apport de l’éducateur consiste à montrer de l’estime envers les jeunes, à s’adresser à eux avec bienveillance et à les accepter. Cela renforce leur amour-propre, et cet aspect jouera un rôle important dans leurs actes, leur conférant notamment confiance et ambition.
  • Nous ne devons pas sans cesse le [l’élève] faire apprendre en état de dépendance. En procédant de la sorte, nous lui transmettons certes un savoir indispensable et un éventail de buts et de valeurs possibles ; mais sans la possibilité pour lui de les choisir et de les réaliser avec une certaine liberté, les processus d’apprentissage décisifs n’auront pas lieu.

Towards a psychological theory of understanding literary texts (1989)

  • Un enseignant doit être ancré dans la vie. Il n’a pas le droit d’être un avorton d’être humain. Il doit être un être de chair et de sang, pas un rêveur sans expérience du monde. Il doit être capable de raconter des choses à ses élèves – également en dehors du cours qu’il est train de donner – parce qu’il est capable de vivre.

Hans Aebli, 1923-1990 (1992)

  • Ce qui m’intéresse, c’est l’action et la réflexion des êtres humains et leurs motifs, et ceux-ci sont plus complexes que la faim et la soif qui poussaient mes rats dans leur labyrinthe. Dans ce contexte, j’ai la conviction que l’on peut et doit aider les jeunes à développer ces forces, et j’ai plaisir à le faire – et à mettre en lumière ce qui rend cette aide tantôt efficace et tantôt inefficace.