Citations - Bertrand Russell
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Bertrand Russell (1872 - 1970), philosophe anglais.
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Œuvres
ABC de la relativité
- Ce que l'observation est capable de nous apprendre sur le monde extérieur constitue donc un savoir plus abstrait que nous ne le pensions jusque-là.
- Dans toute discussion, le plus délicat est toujours de faire la différence entre une querelle de mots et une querelle de fond.
- [En parlant de l'observateur tel que défini dans la relativité]
La subjectivité dont traite la relativité est une subjectivité d'ordre physique, qui peut se passer de cerveaux ou d'appareils sensoriels.
- Entre l'interprétation d'une symphonie, et la partition de cette symphonie, il existe une certaine ressemblance, dite de structure. La ressemblance est telle que, connaissant la « grammaire » musicale, vous êtes à même de déduire indifféremment la musique de la partition écrite, ou la partition écrite de la musique. Or voilà que vous êtes sourd de naissance, mais que vous avez toujours vécu en compagnie de musiciens. À force de parler et de lire sur les lèvres, vous finirez par comprendre que les partitions musicales sont les symboles de quelque chose dont l'essence intime est radicalement différente, mais dont la structure est la même. Vous ne pourrez jamais vous faire une idée de ce que peut représenter la musique, mais vous pourrez en faire toute la mathématique, puisque la mathématique de la musique est la même que la mathématique de la partition écrite. Eh bien c'est un peu comme cela que nous connaissons la nature. Nous savons en lire les partitions, et par le raisonnement nous pouvons apprendre sur elle tout ce que le sourd apprend sur la musique. Mais il a sur nous un avantage : il peut communiquer avec les musiciens. Nous, nous ne saurons jamais si la musique écrite dans nos partitions est sublime ou grotesque ; peut-être même, en dernière analyse... (mais c'est un doute que le physicien, au coeur même de son travail, n'a pas le droit de nourrir) peut-être nos partitions ne figurent-elles rien d'autre que le silence de leur propre écriture.
- Il est curieux de constater - et la relativité n'est pas la seule à nous le montrer - qu'à mesure que le raisonnement progresse, il prétend de moins en moins être à même de prouver. Autrefois la logique était censée nous apprendre à raisonner ; à présent, elle enseigne plutôt à s'abstenir de raisonner.
- Il est intéressant de comprendre une bonne fois que la géométrie qu'on enseigne dans les écoles depuis les Grecs est en train de perdre son autonomie dans la hiérarchie des sciences et d'être annexée par la physique.
- Il existe des lois qui ont bonne mine lorsqu'elles sont exprimées dans un certain langage, mais qui ne souffrent pas d'être traduites ; elles ne peuvent pas figurer parmi les lois de la nature.
- L'histoire d'un physicien racontée par une particule bêta ressemblerait aux Voyages de Gulliver.
- [...] L'impression de se trouver « quelque part » est due au fait qu'à la surface de la terre, tous les objets quelque peu massifs veulent bien se tenir tranquilles.
- [...] La particule [élémentaire] doit être pensée comme ÉTANT son histoire, et non pas comme une entité métaphysique AYANT une histoire.
- [...] La plupart des notions inspirées par le sens du toucher sont un fatras de préjugés sans fondement scientifique, qu'il faut nous empresser de jeter par-dessus bord, si nous voulons nous faire une juste idée du monde.
- La science ne cherche pas à énoncer des vérités éternelles ou de dogmes immuables ; loin de prétendre que chaque étape est définitive et qu'elle a dit son dernier mot, elle cherche à cerner la vérité par approximations successives.
- Le divorce entre l'histoire et la géographie est dû au divorce entre l'espace et le temps.
- Lorsqu'un objet bouge dans un miroir, direz-vous que quelque chose l'a poussé ? [...] Le cosmos semble aussi « irréel », aussi « diaphane » que le monde des miroirs, et, comme lui, il n'a que faire de la « force » pour se mouvoir.
- Nous avons pris l'habitude d'invoquer les lois naturelles pour fonder nos actes. C'est, je crois, une belle erreur : l'imitation de la nature ne mène qu'à la servitude.
- [...] Nous ne savons presque rien, mais [...] c'est merveille d'en savoir tant, et plus encore d'acquérir un si grand pouvoir avec un si maigre savoir.
- Si les paradoxes de la théorie de la relativité restreinte font figure de paradoxes, c'est que nous n'avons pas l'habitude de voir les choses de cette façon et que nous nous arrogeons le droit de penser que les choses vont de soi.
- [...] Une émotion qui ne résiste pas à quelques malheureuses équations ne saurait être ni très sincère ni très rare.
Éloge de l'oisiveté
- [...] Il est indispensable que l'éducation soit poussée beaucoup plus loin qu'elle ne l'est actuellement pour la plupart des gens, et qu'elle vise en partie, à développer des goûts qui puissent permettre à l'individu d'occuper ses loisirs intelligemment. [...] Les plaisirs des populations urbaines sont devenus essentiellement passifs : aller au cinéma, assister à des matchs de football, écouter la radio, etc. Cela tient au fait que leurs énergies actives sont complètement accaparées par le travail.
- Il existe deux types de travail : le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matière se trouvant à la surface de la terre, ou dans le sol même ; le second, à dire à quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé ; le second est agréable et très bien payé. Le second type de travail peut s'étendre de façon illimitée : il y a non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui donnent des conseils sur le genre d'ordres à donner. Normalement, deux sortes de conseils sont donnés simultanément par deux groupes organisés : c'est ce qu'on appelle la politique. Il n'est pas nécessaire pour accomplir ce type de travail de posséder des connaissances dans le domaine où l'on dispense des conseils : ce qu'il faut par contre, c'est maîtriser l'art de persuader par la parole et par l'écrit, c'est-à-dire l'art de la publicité.
- La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l'aisance et de la sécurité, non d'une vie de galérien. Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l'aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n'y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment.
- La notion de devoir, du point de vue historique s'entend, fut un moyen qu'ont employé les puissants pour amener les autres à consacrer leur vie aux intérêts de leurs maîtres plutôt qu'aux leurs.
Human knowledge: its scope and limits
- J'ai un jour reçu une lettre d'une éminente logicienne, Mme Christine Ladd Franklin, disant qu'elle était une solipsiste et qu'elle était surprise qu'il n'y en eût pas d'autres.
Ma conception du monde
- À la fin des fins, il faut s'apercevoir que le bonheur d'un homme, dans ce monde moderne où tout se tient de si près, n'existe que s'il s'accommode du bonheur de son voisin, même si c'est un voisin détesté...
- Cette idée qu'on ne peut changer la nature humaine, quelle sottise !
- Depuis les temps les plus reculés, nous voyons, chaque fois que l'humanité fait un grand pas en avant, qu'elle le doit à des individus ; et presque toujours, ces individus rencontrent une opposition farouche de la société.
- [...] Il est très important, quand on veut être heureux, de s'intéresser à autre chose que soi-même.
- Il me semble que seuls des hommes cruels ont pu inventer l'enfer. Avec des sentiments humains, on n'aurait pas pris plaisir à imaginer des gens condamnés à souffrir éternellement, sans aucune chance de rémission, pour avoir agi sur terre contre la morale de leur tribu. Pareille façon de voir ne pouvait être celle de gens honnêtes.
- [Il y a quatre ingrédients du bonheur] que je juge importants. Le premier, c'est peut-être la santé. Le deuxième, les moyens voulus pour être à l'abri du besoin. Le troisième, d'heureux rapports avec les autres. Le quatrième, la réussite dans le travail.
- Imaginer le monde, en reculer les bornes par l'hypothèse, voilà donc un usage possible de la philosophie.
- [La propagande] est mauvaise quand elle mêle la mauvaise opinion et la bonne. Mais elle n'est pas mauvaise en soi. Ou alors il faudrait dire que toute l'éducation est mauvaise, puisque l'éducation est une manière de propagande.
- La véritable affaire du philosophe, ce n'est pas de changer le monde, c'est de le comprendre.
- Les hommes découvrent que pour la difficile entreprise de comprendre le monde - ce qui devrait être le but implicite de tout philosophe - il faut de la longueur de temps, et un esprit sans dogmatisme.
- On n'est jamais sûr de rien, mais il y a tout de même un principe qui peut être utile. C'est de n'agir que d'après ce que nous croyons être la vérité. On peut se tromper, on peut faire un geste malheureux : à ce moment-là, il faut s'arrêter.
- [...] Philosopher, c'est spéculer sur des sujets où une connaissance exacte n'est pas possible.
- [...] Plus mes cheveux sont blancs, et plus les gens croient ce que je leur dis.
- Si un acte ne fait de mal à personne il n'y a pas de raison pour qu'on le condamne.
- Si vous êtes certain, vous vous trompez certainement, parce que rien n'est digne de certitude ; et on devrait toujours laisser place à quelque doute au sein de ce qu'on croit ; et on devrait être capable d'agir avec énergie, malgré ce doute.
- Un poète, un peintre, un architecte qui satisfont leurs contemporains ne sont généralement pas de grands novateurs ; les grands novateurs déplaisent souvent à leurs contemporains.
- Une chose est à déconseiller si l'on veut être heureux : se tracasser. De ce côté-là, j'ai fait des progrès en vieillissant, et j'en suis beaucoup plus heureux. Pour éviter de me tourmenter, je me suis fait un système bien pratique. Je dis : « Voyons, qu'est-ce qui pourrait vraiment arriver de pire ? » Et ensuite je pense : « Après tout, ce ne serait pas si grave - dans cent ans ; et même je crois que ça n'aurait aucune importance. » Quand vous vous astreignez à penser ainsi, vous finissez par vous tracasser beaucoup moins. Si nous nous faisons du souci, c'est que nous n'aimons pas regarder en face les possibilités désagréables.
Qu'est-ce qu'un agnostique ?
- Si l'on me demandait de prouver que Zeus, Poséidon, Héra et le reste des Olympiens n'existent pas, j'aurai du mal à trouver des arguments décisifs. Un Agnostique peut considérer le Dieu Chrétien comme étant aussi improbable que les Dieux de l'Olympe.
- Un agnostique considère la Bible exactement de la même manière que les clercs éclairés. Il ne pense pas qu'elle soit d'inspiration divine. Il considère son histoire ancienne comme une légende, et absolument pas plus exacte ou véridique que les textes de Homère. Il considère que ses enseignements moraux sont parfois bons, mais parfois terriblement mauvais.
- La plupart des agnostiques admirent la vie et les enseignements moraux de Jésus tels que les Evangiles les rapportent, mais pas forcément plus que ceux d'autres hommes. Certains le placeraient au même niveau que Bouddha, d'autres avec Socrate, et d'autres encore avec Abraham Lincoln. Les agnostiques ne pensent pas non plus que ce que Jésus a pu dire ne peut pas être mis en question, étant donné qu'il n'acceptent aucune autorité comme étant absolue.
- Si par "Chrétien", vous entendez une personne qui aime son prochain, qui a une large sympathie envers ceux qui souffrent, et qui désire ardemment un monde libre des cruautés et des abominations qui le défigurent actuellement, alors oui, vous pourrez sans aucun doute me qualifier de "Chrétien". Et, d'une certaine manière, je pense que vous trouverez plus de "Chrétiens" parmis les agnostiques que parmis les orthodoxes. Mais, en ce qui me concerne, je ne peux pas accepter une telle définition. En plus d'autres objections qui pourraient y être faites, cette définition me semble méprisante envers les Juifs, les Bouddhistes, les Islamistes et les autres non-Chrétiens, qui, comme nous le montre l'histoire, se sont montrés au moins aussi aptes que les Chrétiens pour pratiquer les vertus que certains Chrétiens actuels revendiquent avec arrogance comme des traits distinctifs de leur propre religion.
- La croyance dans l'Enfer est liée à la croyance que la punition vindicative du péché est une bonne chose, indépendamment de toute effet dissuasif ou correctif qu'elle pourrait avoir. Rares sont les agnostiques qui croient ceci.
- Je renie également Zeus, Jupiter, Odin, Brahma, et cela ne me cause aucun soucis. Je constate qu'une très large part de l'espèce humaine ne croit pas en Dieu et n'endure aucune punition visible comme conséquence. Et si Dieu existe, je ne le conçois pas comme souffrant d'une telle vanité inquiète, qui le pousserait à être offensé par ceux qui doutent de son existence.
- En ce qui me concerne, je suis incapable de voir aucune beauté ou harmonie dans le ver solitaire. Evitons de dire que cette créature nous a été envoyée comme punition pour nos péchés : elle est plus répandue chez les animaux que chez les êtres humains.
- Il existe autant de miracles avérés pour les dieux grecs d'Homère que pour le Dieu Chrétien de la Bible.
- Les persécutions cruelles ont été plus répandues dans la chrétienté que partout ailleurs. Ce qui semble justifier la persécution est la croyance dogmatique. La bonté et la tolérance ne peuvent prévaloir que lorsque la croyance dogmatique décline.
- L'esprit de tolérance, qui certains Chrétiens considèrent comme un élément essentiel du Christianisme, est en fait le produit du tempérament qui autorise le doute et se méfie des certitudes absolues.
- Je pense que quiconque se penche sur l'histoire de façon impartiale aboutira forcément à la conclusion que la religion a causé plus de souffrances qu'elle n'en a prévenues.
- Les agnostiques, en tant que tels, n'ont pas de position particulière au sujet de la moralité sexuelle. La plupart d'entre eux admettent qu'il existe des arguments valables contre des habitudes sexuelles débridées. Mais ils tirent ces arguments de sources terrestres, et non pas de soi-disant commandements divins.
- Parmis les grandes religions de l'histoire, je préfère le Bouddhisme, particulièrement dans ses formes les plus anciennes, car il a comporté la plus petite quantité de persécution.
Science et religion
- Si je recevais la toute-puissance, avec des millions d'années pour expérimenter, je ne penserais pas à me vanter de l'Homme comme résultat de mes efforts.
Attribuées
- Ce que les hommes veulent en fait, ce n’est pas la connaissance, c’est la certitude.
- De toutes les formes de prudence, la prudence en amour est peut-être celle qui est la plus fatale au vrai bonheur.
- Le problème du monde, c'est que les imbéciles sont présomptueux et les gens intelligents bourrés de doutes.
- Les mathématiques sont la seule science dans laquelle on ne sait jamais de quoi on parle ni si ce que l'on dit est vrai.
- Si j'étais médecin, je prescrirais des vacances à tous les patients qui considèrent que leur travail.